Un sentiment qui tient le mur donne l’impression de se trouver derrière l’épaule de Pierre Bonnard, à lire ce qu’il notait et griffonnait quotidiennement dans ses carnets. Ce volume rassemble des propos extraits de ses pages d’agendas couvertes de dessins, de remarques sur le temps qu’il fait, de brèves notations sur son art, mais aussi ses textes sur la peinture et sur Maurice Denis ou Auguste Renoir, ainsi que ses entretiens. Sa parole visait la fulgurance, comme son regard visait à retrouver la « vision brute », la « vision animale ». (Préface d’Alain Lévêque)
Cette nouvelle édition au format de poche des écrits de Pierre Bonnard, peintre « célébrant du passage » comme dit Alain Lévêque, rassemble une sélection de ses agendas, mais aussi ses propos sur la peinture, ses hommages à ses compagnons peintres, comme Maurice Denis, son ami du mouvement nabi, Odilon Redon, Paul Signac, Auguste Renoir ou Aristide Maillol, ainsi que ses entretiens, pour différentes revues de l’époque, Les Nouvelles littéraires, Comœdia ou Verve.
« Vous avez une petite note de charme, ne la négligez pas. Vous rencontrerez peut-être des peintres plus forts que vous, mais ce don est précieux. » Ce furent les paroles d’Auguste Renoir à Pierre Bonnard, alors jeune peintre inconnu, qui font signe vers ce qui, dans la singularité sauvage d’une vision du monde, ne s’explique pas. Cette intrigante « petite note de charme » qui caractérisait le peintre du Cannet s’éclaire un peu dans la définition que donne Bonnard lui-même du « peintre de sentiment » qu’il rêva d’être : « Le peintre de sentiment produit un monde clos, le tableau, qui est un peu comme un livre et transporte son intérêt partout où il est placé. Cet artiste, on l’imagine passant beaucoup de temps à ne rien faire qu’à regarder autour de lui et en lui. C’est un oiseau rare. »
Les auteurs
Homme des XIXe et XXe siècles, la personnalité de Pierre Bonnard (1867-1947) s’est façonnée entre la fin de l’impressionnisme, le mouvement nabi dont il est l’un des principaux artisans, pour ensuite s’affranchir de tout courant artistique et de toute convention développant une image très personnelle. Prédomine alors son regard sensible sur le monde dans lequel une nature enchantée, vibrante et lumineuse s’oppose à la réalité. Sous une apparence de tranquille simplicité, l’œuvre de Bonnard se révèle complexe, pleine de nuances et comme détachée du temps.
[Pierre Bonnard, Autoportrait, 1924, encre et crayon sur papier, 11 x 6 cm.]
Presse
Fabien Ribery, L’Intervalle
Extraits
« J’ai beaucoup tardé à vous répondre, car je ne savais quoi vous dire sur l’actuelle peinture française. Je vis loin de Paris et connais peu de jeunes peintres. Je vois cependant que les différentes façons d’aborder la peinture se sont éclaircies dans l’esprit des artistes. La peinture décorative a ses moyens, ses matériaux propres. C’est le grand courant actuel qui rejoint l’artisanat. Beaucoup de jeunes s’occupent de tapisseries, de vitraux, d’affiches, de décors de théâtre ou d’appartement.
La peinture de sentiment, autre courant, est moins définie dans ses moyens et n’ose plus beaucoup se rattacher à la tradition clair obscuriste et analytique. Le peintre de sentiment produit un monde clos, le tableau, qui est un peu comme un livre et transporte son intérêt partout où il est placé. Cet artiste, on l’imagine passant beaucoup de temps à ne rien faire qu’à regarder autour de lui et en lui. C’est un oiseau rare.
L’amateur a aussi un rôle très important pour l’avenir de la peinture. Il doit faire des commandes s’il veut mériter son titre d’amateur. En somme que chacun reconnaisse à quoi il est bon et tout ira bien. » (La peinture française d’aujourd’hui, 1943)