On connaît Géricault pour ses peintures de chevaux transis par la foudre, pour ses portraits d’enfants les plus troublants de l’art français, pour ses têtes de fous qui n’ont aucun équivalent dans l’histoire de la peinture, et pour son immense tableau révolutionnaire et moderne, Le Radeau de la Méduse, chef-d’œuvre du Romantisme et protestation de la vie jusque dans la mort. On sait aussi que sa vie fut brève et fulgurante, son œuvre inachevée mais géniale, et que sa mémoire fut révérée par tous les artistes du XIXe siècle.
Mais on ne savait pas ce que Jérôme Thélot montre ici, que Géricault fut en outre un penseur, aussi grand qu’il fut grand artiste.
Exposant la pensée interne à son art, et la « philosophie en acte » qui s’y réfléchit, cet essai dessine un portrait fascinant, en cinq chapitres qui suivent l’aventure existentielle du peintre. On découvre d’abord dans ses premiers ouvrages de 1808 à 1814 le premier tourment de Géricault, qui fut de questionner la différence entre l’homme et l’animal, son travail se définissant alors comme « conscience de soi de la peinture », où « l’existence humaine sort de la vie par la représentation ». Ensuite, de 1814 à 1817, en particulier dans les études extraordinaires exécutées en Italie, on voit que l’artiste remonte « jusqu’au fondement de la représentation dans la violence ». Puis l’analye du tableau de 1819, Le Radeau de la Méduse, révèle que sa « généalogie de la peinture » s’y parachève, exhibant dans la vie originaire, et dans la volonté de survie, la provenance de la violence. Au cours des années d’avant sa mort en 1824, éclate enfin la force la plus audacieuse dont le peintre fut doué – la force de la miséricorde –, qui fait la beauté irrésistible de ses lithographies, de ses portraits et de ses études de tête, où, « abaissant son art », il en a réalisé la « possibilité la plus féconde », témoignant de la « présence » d’autrui, et de la « transcendance de cette présence par rapport à toute image ». Ainsi l’essai de Jérôme Thélot manifeste l’unité profonde de l’œuvre entière de Géricault : comme connaissance de soi, critique de la violence, affirmation de la vie et lucidité de la compassion.
Les auteurs
Jérôme Thélot, ancien élève d’Yves Bonnefoy au Collège de France, disciple aussi de René Girard et de Michel Henry, est essayiste et traducteur, et professeur de littérature française à l’Université de Lyon. Ses écrits portent sur la poésie romantique et moderne, sur la philosophie de l’affectivité, et sur les conditions de l’image. Il développe auprès des auteurs qu’il interroge, en particulier Baudelaire, Rousseau, Dostoïevski, Sophocle, une poétique générale qui remonte à la fondation de la parole et de la représentation dans la violence originelle. Ses travaux sur la photographie ont d’abord décrit les conséquences de l’invention de celle-ci sur la littérature (Les inventions littéraires de la photographie, PUF, 2003), puis les caractères propres de sa phénoménologie (Critique de la raison photographique, Les Belles Lettres / Encre marine, 2009). Ses « Notes sur le poétique » (Un caillou dans un creux, Manucius, 2016) explicitent les attendus de sa recherche.
Presse
Conférence de Jérôme Thélot (dans le cadre du cycle « Violence et représentation“ de l’Association Recherches mimétiques www.rene-girard.fr)
Michel Arcens (Les notes de l’instant)
Florent Georgesco (Le Monde)
Jérôme de Gramont (Études)
Thierry Guinhut (thierry-guinhut-litteratures.com)
Gérard-Georges Lemaire (Visuelimage)
Marc Lenot (Lunettes rouges)
Christian Ruby (nonfiction.fr)