Le trait, le taillis, les aguets — Louis Pons : le dessin de 1946 à 1970

Dessinateur instinctif et autodidacte, Louis Pons a développé seul sa technique au fil d’une vie d’errance relative dans la campagne provençale, entre 1945 et 1970. Partant de la caricature, passant par le travail sur le motif, il est parvenu à ces pages saturées par lesquelles il s’est fait connaître : ratures encrées d’où se dégagent des figures fantastiques et organiques, mi-hommes mi-animaux, parfois érotisées et toujours empêchées, « drolatiques comédiens du dérisoire ».
« Singulier » est une des entrées du dictionnaire déréglé que Frédéric Valabrègue consacre ici à l’œuvre du dessinateur. « Le singulier est un artiste minoré dans la mesure où son œuvre ne se prête pas à un discours d’ensemble. » D’où la nécessité d’un discours de détail. Épousant donc au plus près la biographie de l’artiste, reliant entre eux ses thèmes et ses caractères distinctifs, démontant les assimilations forcées qui ont affecté son travail, réactivant un corpus d’œuvres trop mal connues, l’écrivain fait apparaître, au milieu de leur opacité apparente, comme la constellation du dessein qui les guide. Méthode bien digne de la pratique de Louis Pons : « Dessiner, pour lui, cela veut dire donner un coup de sonde dans une poche nocturne grossie par toutes les terreurs innommables. »

Date de publication : 21 janvier 2021
Format : 16 x 20 cm
Poids : 350 gr.
Nombre de pages : 144
ISBN : 978-2-85035-010-8
Prix : 25 €

PRÉSENTATION :
« Anachronique  » et « singulier » sont deux des entrées de cette sorte de dictionnaire déréglé, non alphabétique, que Frédéric Valabrègue consacre à l’œuvre de dessinateur de Louis Pons telle qu’elle s’est développée de 1946 à 1970. Épousant à la fois la chronologie biographique, les thèmes et les caractères distinctifs de l’artiste, l’écrivain démonte les assimilations forcées (notamment à l’art brut et au surréalisme) qui ont pu affecter son travail et, du même coup, certains concepts dont il arrive au sens commun et à la critique d’art de se servir avec peu de discernement : «  Se placer hors de son époque, cela ne signifie pas qu’on la méprise ou qu’on est incapable d’en saisir les enjeux, mais que l’on compte bien lui apporter, dans le meilleur des cas, un regard différent. […] La position de l’anachronique est celle de la vigilance. » Ou encore : « Le singulier est un artiste minoré dans la mesure où son œuvre ne se prête pas à un discours d’ensemble. Où le mettre, puisque le Musée est la preuve de la continuité d’un discours ? Dans l’annexe ? » Il n’en fallait pas moins pour appréhender le parcours unique de Louis Pons.
Dessinateur instinctif et autodidacte issu d’une famille modeste à qui le monde de l’art est entièrement étranger, Louis Pons accède à sa vocation suite à sa rencontre avec le poète Joë Bousquet et son cercle de Carcassonne, avant de se former au contact de modèles lointains, qu’ils soient artistes (« Seghers, au cœur du minéral. Bresdin, au cœur du végétal. Louis Soutter, au cœur de la douleur. Wols, au cœur de l’organique. ») ou écrivains (Lichtenberg, Kafka, Walser, Beckett, Bataille, Michaux, Artaud…). De la caricature au dessin sur le motif, il développe seul sa technique au fil d’une vie d’errance relative dans la campagne provençale, et parvient peu à peu à ces pages saturées pour lesquelles il est connu, ratures encrées dans lesquelles se dégagent des figures fantastiques et organiques, mi-hommes mi-animaux, parfois érotisées et toujours empêchées – « drolatiques comédiens du dérisoire », ainsi que les nomme Frédéric Valabrègue. Souffrant de graves troubles oculaires au début des années 1970, il se détourne du dessin pour se consacrer presque exclusivement à la conception de ses « boîtes », assemblages en bas-reliefs d’objets hétéroclites dénichés lors de ses promenades.
Si cette monographie épouse au plus proche ce corpus de dessins de Louis Pons – au point, pour ainsi dire, de le mettre à vif –, c’est en vertu de la capacité de Frédéric Valabrègue à relier entre eux les multiples points d’entrée qu’il s’est choisis, et à faire ainsi apparaître, au milieu de leur densité, sinon de leur opacité, apparentes, comme la constellation de leur dessein. Analyse bien digne de la pratique de l’artiste telle qu’il la qualifie : « Dessiner, pour lui, cela veut dire donner un coup de sonde dans une poche nocturne grossie par toutes les terreurs innommables. »

BIOGRAPHIE DE LOUIS PONS (écrite par l’artiste en 1992) :
Né à Marseille en 1927.
Études primaires à Marseille, école des Chartreux. École des Métiers, Endoume, Marseille.
Apprend le métier d’ajusteur, ne l’exerce jamais.
Petits métiers : dessinateur de presse à la Libération dans les journaux issus de la Résistance, à Marseille ; comptable : un mois (une addition fausse) ; vendanges ; travaux agricoles (très brefs) ; peinture en bâtiment (six mois).
À 21 ans, sanatorium à Hauteville (un an et demi).
Malade, vit à la campagne dans de nombreux villages de Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône puis du Var : Montfroc, Simiane-la-Rotonde, Vence, le Piole, Saint-Paul-de-Vence, Aix-en-Provence, Antibes, Sillans-la-Cascade.
Rencontres importantes : l’œuvre de Joë Bousquet, les dessins de Louis Soutter, les aphorismes de Lichtenberg. Réalise environ 2000 dessins à l’encre de Chine, de nombreuses gravures sur bois ou sur cuivre et des lithographies pendant cette période (1948-1969), notamment dans l’atelier de Berto à Marseille.
Troubles visuels.
Publie des réflexions sous forme d’aphorismes sur « le dessin » chez Robert Morel éditeur en 1968.
Les premiers assemblages datent de 1959 et sont présentés, en 1962, à la galerie Alphonse Chave, à Vence. Expose à la galerie Le Point cardinal de 1969 à 1983. À la galerie Claude Bernard depuis 1984. A reçu le prix Bill Copley aux USA.
Vit à Paris depuis 1973.
Quelques voyages ici ou là, aucune trace.
Écrit et fait des assemblages.
Dessine des lettres et des enveloppes, les expédie par la poste.

Les auteurs

Né en 1952, Frédérric Valabrègue est écrivain et critique d’art. Si les écrits – essais, articles, préfaces – qu’il consacre à des artistes modernes et contemporains occupent une place prépondérante dans son œuvre (leur recueil est en préparation aux éditions L’Atelier contemporain), il est aussi l’auteur de plusieurs romans, tous publiés aux éditions P.O.L. (citons : Le Vert-clos, 1998, Asthme, 2002, Grant’Autre, 2015, Une campagne, 2018). Par ailleurs, il enseigne l’histoire de l’art et des civilisations à l’École supérieure d’art et de design de Marseille, sa ville natale.

Presse

Claude Darras (Encres vagabondes)
Éric Dussert (L’Alamblog)
Jérôme Duwa (Critique d’art) [cf. fichier PDF]
Christian Ruby (nonfiction.fr)

Duwa Valabrègue-Pons Critique d’art

Extraits

Feuilleter… Le trait, le taillis, les aguets [texte]
Feuilleter… Le trait, le taillis, les aguets [images]

Squiggle

Chaque volume monographique de cette collection suit un artiste dans son « tracé libre », selon la formule par laquelle J.-B. Pontalis traduit l’intraduisible mot anglais squiggle. Jeu de dessin à deux que pratiquait le psychanalyste D. W. Winnicott avec ses patients enfants, le squiggle instaurait une atmosphère de communication spontanée. Entendu dans une acception élargie, il nommera ici l’espace ménagé dans chaque œuvre au dialogue, à l’imprévu, à l’inconnu.