Eva Gonzalès – Rencontre avec une jeune femme moderne

« Cédant au narcissisme contemporain et tapant un jour son nom sur un moteur de recherche, mon héroïne aurait vu son existence virtuelle supplantée par celle d’une femme du temps passé, mieux référencée sur les pages web. » Cette femme, c’est Eva Gonzalès (1847-1883), peintre et unique élève d’Édouard Manet, auteure d’une œuvre trop tôt interrompue par la mort et, sinon héroïne contemporaine, du moins jeune femme moderne. Bien digne de cette étrange genèse, l’ouvrage adopte une forme singulière où se mêlent monographie, enquête biographique, récit et notes autobiographiques.

Date de publication : 6 novembre 2020
Format : 16 x 20 cm
Nombre de pages : 160
ISBN : 978-2-85035-015-3
Prix : 25 €

L’image de cette artiste femme dans un milieu d’hommes, peinte par Manet et peignant, pour une part, sa condition féminine, offre à l’auteure le reflet mi-concret, mi-fantasmé d’une vie et d’une époque à l’aune desquelles elle mesure la spécificité des nôtres. Face aux tableaux et aux documents, c’est avec sympathie que le regard d’Élisabeth Jacquet se porte sur tout ce qui fait signe : expressions du visage, postures du corps, habillement, lieux et objets. Pour finir, quelques observations bien senties – par exemple – sur la relative claustration d’une peintre dont les confrères se tournaient de plus en plus vers le dehors, contribuent à éclairer son statut de femme autant que son œuvre d’artiste : « Masculin : la rue. L’architecture. La gare. Féminin : le salon. L’intérieur. Le balcon. »

Suivant sa méthode originale, le livre d’Élisabeth Jacquet propose une reconstitution approfondie et salutaire de la figure d’Eva Gonzalès en son époque. Quoique cette reconstitution gravite autour de quelques autres personnages récurrents non moins finement portraiturés – Manet et Berthe Morisot, bien sûr, mais également la famille et le mari de l’artiste, qui formaient son cercle le plus proche –, elle n’en néglige pas pour autant un contexte historique, intellectuel et artistique plus large, et se hisse de la sorte au rang d’une vraie contribution à l’histoire de l’art.

S’il est cependant un point où l’ouvrage d’Élisabeth
Jacquet se singularise entièrement, c’est cette forme kaléidoscopique, éclatée et ouverte, intégrant clichés numériques et captures d’écran, qui tâche d’épouser au plus près les heureux hasards de la recherche. De fait, tout l’ouvrage est traversé par une question dont il semble presque être le fruit : comment regarder les œuvres d’art à l’heure de leur reproductibilité technologique ? Comment rendre compte à travers notre prisme contemporain d’une sensibilité façonnée par des normes si différentes ? Qu’est-ce qui résiste et relie, et justifie pareille tentative ? – Ce livre, dans sa forme même, essaie une réponse.

PRÉSENTATION PAR L’AUTEUR :

Impressionnisme et Internet
Peu de gens connaissent aujourd’hui Eva Gonzalès, et pourtant :
elle était une peintre remarquable — troisième du trio avec Berthe Morisot et Mary Cassatt.
Elle choisit de travailler dans l’atelier d’Édouard Manet dont elle fut l’unique élève.
Elle sut tracer son chemin dans la société corsetée et redingotée du XIXe siècle, hostile aux femmes et plus encore à leur accession au statut d’artiste.
Son mari Henri Guérard, grand artiste lui-même, fut sans doute le seul mari de son époque à se présenter comme « l’élève » de son épouse.
J’ai rencontré Eva Gonzalès sur Internet à travers son portrait effectué par Manet.
Je me suis demandé qui était cette femme peignant dans cette tenue et cette pose invraisemblables.
J’ai découvert son œuvre essentiellement par Internet, ensuite dans un catalogue raisonné, puis j’ai vu quelques toiles au musée.
Ce livre relate cette rencontre, évoque notre relation à l’art, à l’effet que produit sur nous la découverte d’une artiste et d’une œuvre, les prolongements que nous y trouvons dans notre propre vie, même à l’époque d’Internet. Il s’interroge aussi sur la spécificité de l’image peinte à l’ère du tout image.

Un livre d’art littéraire ou un livre de littérature illustré
Par un cheminement poétique et thématique intégrant les éléments d’une biographie non linéaire d’Eva Gonzalès (1847-1883), j’ai voulu rendre sensible la qualité de son travail, la vigueur de sa touche, la modernité de cette jeune femme qui choisit sa voie, s’y maintient sans bruit, persévère dans sa relation profonde et formidable avec Manet.
Son amour pour son mari Henri Guérard et leur complicité créative, comme sa vie avec sa sœur Jeanne, son modèle essentiel, leur aventure si singulière à tous trois, forment encore aujourd’hui une variation sur le couple émouvante et peu banale.
Ce portrait kaléidoscopique d’une jeune femme artiste du XIXe est aussi celui où nous reconnaissons notre visage et nos aspirations. Il appartient à notre présent et à notre histoire : celle de l’émancipation des femmes.

Un ouvrage impressionniste contemporain
La reproduction de plusieurs œuvres d’Eva Gonzalès et les images liées à mon enquête personnelle ponctuent, rythment, complètent le texte, nourrissent un dialogue entre la peinture et la littérature, faisant résonner le XIXe siècle dans le XXIe, l’œuvre et la vie d’une femme peintre de cette époque dans celles d’une femme auteure contemporaine, sa sensibilité dans celle du lecteur.
Chacun de mes livres possède sa propre forme : ici se lient l’impressionnisme et la littérature contemporaine pour créer un ouvrage impressionniste contemporain qui offre une place au regard du lecteur, à ses propres perceptions et interrogations.

Une vidéo "bande-annonce" du livre, réalisée par l’auteur.

Les auteurs

Élisabeth Jacquet est auteure de littérature contemporaine. Son écriture s’organise autour de différentes questions : que devient l’écrit à l’ère du tout écran ? Comment la littérature peut-elle intégrer les rythmes de notre époque et trouver une temporalité qui lui soit propre ? Que reste-t-il de spécifique au livre qui peut résister aux flux de l’hypermédiatisation du monde ?
Elle travaille diverses formes de narrations : autour de la lecture (Les grands parcs blancs, Flammarion, 2001), du catalogue de meubles décliné de manière affective et sentimentale (Dans ma maison, notre catalogue, Melville/Léo Scheer, 2003), de la modernité d’une héroïne d’un grand roman du XIXe siècle (Anna Karénine, c’est moi, Philippe Rey, 2010), du souvenir d’enfance (Quand j’étais petite, éditions de l’Attente, 2012) ou du concept de mari (Mon mari et moi/Petite exploration conjugale, Serge Safran éditeur, 2017).
Avec nous on sera vingt-sept (Comp’Act, 1996) évoquant une soirée entre amis et Le retour des semelles compensées (L’Act Mem, 2009) traitant de la condition des femmes dans nos sociétés de consommation ont récemment fait l’objet d’une réédition en un seul volume : Avec nous/Le retour (éditions de l’Attente, 2019).
Chacun de ses ouvrages possède sa singularité, ouvre un espace particulier.
Son site Internet.

Presse

Entretien avec Élisabeth Jacquet :
par Véronique Pittolo, Diacritik

Un film (Canal U) de l’auteure sur Eva Gonzales, ou comment la littérature du XXIe siècle s’empare-t-elle de la peinture du XIXe siècle ?

Articles :
Gérard-Georges Lemaire, Visuelimages
Christine Raout, Ouest France
Fabien Ribery, L’Intervalle

+ Véronique Pittolo, in Les conseils culturels de Véronique Pittolo, France Culture

Extraits

Feuilleter… Eva Gonzalès. Rencontre avec une jeune femme moderne

Squiggle

Chaque volume monographique de cette collection suit un artiste dans son « tracé libre », selon la formule par laquelle J.-B. Pontalis traduit l’intraduisible mot anglais squiggle. Jeu de dessin à deux que pratiquait le psychanalyste D. W. Winnicott avec ses patients enfants, le squiggle instaurait une atmosphère de communication spontanée. Entendu dans une acception élargie, il nommera ici l’espace ménagé dans chaque œuvre au dialogue, à l’imprévu, à l’inconnu.