Un argot de métier pour le moins étonnant : celui des membres du clergé. Ce geste anthologique est à la fois celui d’un historien et d’un poète. Il manifeste le désir de sauvegarder une langue singulière, dont il admire l’invention poétique, mais déjà précaire, soumise aux bouleversements à venir aussi bien de l’Église que de la société française toute entière, juste avant les révolutions de mai 68.
C’est avant tout l’humour qui domine dans ce petit dictionnaire où se croisent sans cesse le haut et le bas, le sacré et le profane, le sérieux et l’excentrique, signe de l’indépendance d’esprit des ecclésiastiques eux-mêmes, prompts au rire et à l’irrévérence malicieuse.
Lorsque le Petit Glossaire de l’argot ecclésiastique paraît en 1966 chez Jean-Jacques Pauvert, Jean Follain souligne avec une certaine fierté que personne avant lui n’avait entrepris pareille collection linguistique. Près de cinquante ans plus tard, le projet est resté unique en son genre : la réédition de cet ouvrage constitue donc une aubaine pour les amateurs d’insolite. Le choix de l’éditeur à l’époque, sa réputation sulfureuse, ainsi que le voisinage d’écrivains subversifs (la même année paraissent notamment Ma Mère de Georges Bataille et les Carnets de Sade), pouvaient inciter à assimiler le Glossaire à un ouvrage pour le moins provocateur. Il n’en est rien. Ce livre est empreint de drôlerie, et révèle une curiosité éclectique dans le domaine des sciences humaines, chez un auteur plus connu pour son écriture poétique et ses proses d’enfance. (Élodie Bouygues)
Ouvrage publié avec le concours du CNL.
Les auteurs
Il était né à Canisy dans la Manche, lieu qui sera une inspiration essentielle pour sa production poétique. Dès 1924 cependant il s’était installé à Paris où il exerçait son métier d’avocat tout en fréquentant les milieux littéraires. Il fut par la suite juge de paix. Ayant quitté la magistrature en 1961, il fit plusieurs voyages à travers ce monde.
Gil Jouanard a écrit de lui :« Il est à la fois le Jean-Henri Fabre du souvenir méticuleux et le Wang Wei de l’immobilité contemplative, celui qui livre les choses sans les commenter ni les enjoliver (…) Lui, grand consignateur, n’interprète pas : il délivre. »
Une bio-bibliographie de Jean Follain.
[photo © Felipe Martinez]
Frédérique Loutz, née en 1974 à Sarreguemines, enseigne à l’école Supérieure d’Art et de Design Marseille-Méditerranée. Son travail est représenté depuis 2004 par la galerie Claudine Papillon. De nombreuses éditions d’estampes ou d’ouvrages de bibliophilie ont été réalisées avec Tabor Presse à Berlin et Michael Woolworth Publications à Paris.
Presse
Articles de Nadine Agostini (« CCP »), Éric Dussert (« L’Alamblog »), Antoine Emaz (« Poezibao »), Jean-Paul Gavard-Perret (« Libr-critique »), Tristan Hordé (« Sitaudis »), Thierry Martin (« Unidivers »).
Extraits
- Barabas : Nom donné à l’un des deux bars où avaient accès les Pères du récent Concile.
- Baratin : Nom donné également à ce même bar.
- Bar Jésus : Nom encore donné à ce même bar.
- Bar Jonas : Nom donné à l’autre bar, où avaient aussi accès les Pères du même Concile. Il est indiqué, dans les textes sacrés, que Simon Pierre, l’Apôtre, était fils de Jonas. Or, en araméen (la langue parlée en Judée au temps du Christ), bar signifie fils.
- Bassinet : Plat creux d’étain ou de métal argenté que l’on présente aux fidèles pour y mettre leurs offrandes à la quête. Bassinet s’emploie tout particulièrement dans l’expression « cracher dans le bassinet », qui signifie donner à la quête, mais, semble-t-il, pour obéir à l’usage plus que par véritable esprit de charité. On dit également qu’il a « craché dans le bassinet » de quelqu’un qui s’est trouvé obligé de faire un don à l’église.
- Bicyclette : Ce terme désigne une collerette noire filetée portée en costume de cérémonie sur la soutane par des chanoines en tenue de ville. Elle constitue une réduction du camail porté dans l’habit de chœur. À ma connaissance, le port de cet attribut a disparu, au plus tard vers 1920. Le nom de bicyclette vient de ce que la collerette en cause, enlevée et étalée, présente la rondeur d’une roue.
- Binarder (Se faire) : Se faire retarder aux ordres.
- Biner : Dire deux messes le même jour. Ce terme n’est pas à proprement parler argotique et appartient à la terminologie régulière du droit canon. Le binage, qui a fait l’objet de traités portant ce titre, se trouve canoniquement réglementé. Aujourd’hui, où plusieurs paroisses sont souvent desservies par un même prêtre, son usage est devenu, les dimanches et fêtes tout au moins, de plus en plus courant.
- Blouse de plâtrier : Surplis.
- Bœufs : Dénomination donnée parfois en Basse-Normandie aux chantres ruraux laïques à cause de leur démarche lente, alourdie dans les processions par le port de chapes souvent pesantes qui donnent, par surcroît, de l’amplitude à leur personnage.
- Boîte : Confessionnal.
- Boîte à violon : Chasuble de mode romain ayant, par-devant et parfois aussi par-derrière, la forme d’une boîte à violon.
- Boîte à sel : Chaire.
- Bonzer : Même sens que binarder.
- Bourgeron : Surplis.
- Braves gens (De) : Employé par les prêtres d’une certaine génération pour désigner de bons catholiques.