La troisième horloge

Critique d’art, expert en peinture ancienne au sein de l’Hôtel des ventes Drouot, mais aussi électron libre de la nébuleuse surréaliste, premier historiographe de son ami Marcel Duchamp, Robert Lebel est un personnage singulièrement insaisissable. « Quel genre de type est ce Robert Lebel ? Je n’arrive pas vraiment à le saisir. » Telles auraient été les paroles de Marcel Duchamp à Jacques Lacan. Ce volume permet de cerner une de ses multiples facettes, celle du poète, en rassemblant pour la première fois ses poèmes et ses récits.

Date de publication : 5 mai 2023
Format : 16 x 20 cm
Poids : 1100 gr.
Nombre de pages : 504
ISBN : 978-2-85035-111-2
Prix : 25 €

En exergue des livres de Robert Lebel, on pouvait lire qu’il « consacre la partie avouable de son temps à l’étude des peintres anciens et à la lecture des poètes modernes », sans que rien ne soit dit de ce à quoi il consacre la partie inavouable et nocturne de son temps… On sait, cependant, que le mystérieux personnage qu’il fut consacrait une assez grande partie de son temps à écrire : des textes théoriques et critiques sur la peinture et la poésie, mais aussi des poèmes surréalistes et des récits fantastiques. Ainsi est-ce à cartographier la part littéraire de sa production que s’attache ce deuxième volume de ses œuvres complètes : La troisième horloge. Poésies et récits, 1943-1986. Dans le sillage du premier volume paru au Mamco de Genève en 2016, Le Surréalisme comme essuie-glace, 1943-1984, et dans l’attente de deux futurs volumes, à L’Atelier contemporain également, l’un, consacré à ses critiques d’art, l’autre, à ses écrits sur Marcel Duchamp, il s’agit de retracer la cohérence d’une œuvre aussi discrète que riche.
Pour Robert Lebel, l’écriture poétique et sa gratuité vertigineuse se placent sous le signe d’une fascinante « troisième horloge », décrite dans son récit L’inventeur du temps gratuit. Le narrateur de cette histoire troublante, déambulant dans un quartier new-yorkais désert, pénètre par hasard dans les bureaux de « A. Loride and Company », du nom d’un homme excentrique qui aurait inventé le « temps gratuit », temps qui ne peut se gagner ni se perdre, qui passe sans qu’on puisse en faire usage ni en dire rien d’arrêté.
À en croire ce dernier, il existerait trois horloges. Une première horloge, « exacte », celle du temps social qui régit l’humanité affairée. Une deuxième horloge, « déréglée », celle du temps vide qui tourmente quelques solitaires. Et, enfin, une très étrange « troisième horloge », détournant le cours de la temporalité sociale, mais subrepticement et invisiblement : « C’est à l’intérieur même du temps social, et non à l’écart, ce qui déjà serait édifiant, que nous créerons, sans nécessairement le laisser entendre, des zones de refus et de légèreté. » Dès lors, écrire implique de refuser toute posture littéraire grandiloquente, en retrait, installée, pour renouer avec le domaine du murmure, de l’inutile, du secret.
À propos de son récit La Double vue, François Di Dio (son éditeur premier au Soleil noir) notait : « ce récit se lit comme un “suspens”, le documentaire y côtoie l’humour, il donne à penser comme un essai, se déroule comme un film, explore de très près “l’ineffable”, et se laisse regarder comme un tableau. »
L’ensemble des écrits de création de Lebel manifeste qu’il s’est essayé à diverses formes : composition en vers, récit, pseudotraité, autobiographie. Son refus d’insister dans une quelconque voie signale, pour l’écriture, le même principe d’économie et d’ironie mis en pratique par Duchamp dans le domaine des arts dits visuels. Précisons donc : l’ambition de l’écrivain Robert Lebel relève sans doute de la poésie, entendue plus largement à la manière surréaliste, comme un refus de capituler devant les platitudes de l’existence en recherchant, dans la vie même, des occasions d’aventures, dont l’écriture peut rendre compte, en adoptant des formes en elles-mêmes variées.
À l’ensemble des poèmes et récits sont ajoutés des articles critiques (sur Michel Fardoulis-Lagrange ou Gherasim Luca, par exemple). Sont publiés, en annexe, un entretien de l’auteur avec Nicole Zand, des témoignages de Alain Fleischer, Pierre Klossowski, Joyce Mansour et Patrick Waldberg.

Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre.

Les auteurs

Robert Lebel est né à Paris en 1901, et mort, à Paris également, en 1986. Il fut critique et collectionneur d’art, écrivain, poète. Proche du surréalisme, sans en être cependant un fidèle, il fréquenta André Breton durant son exil à New York entre 1940 et 1944, mais aussi Marcel Duchamp, Max Ernst, Isabelle et Patrick Waldberg. Il publia notamment : Masque à lame (Hémisphères, 1943), Léonard de Vinci ou la fin de l’humilité (Le Soleil Noir, 1952), La double vue avec des illustrations d’Alberto Giacometti et Marcel Duchamp (Le Soleil Noir, 1964), L’Oiseau-caramel et La Saint-Charlemagne avec des illustrations de Max Ernst (Le Soleil Noir, 1969 et 1976), Sur Marcel Duchamp (Belfond, 1985).

(Robert Lebel, portrait par Pierre Klossowski, 1955)

Presse

François Coadou, En attendant Nadeau
Thierry de Fages, Le blog de Phaco
Jean-Paul Gavard-Perret, Le salon littéraire
Christian Rosset, Diacritik
Étienne Ruhaud : entretien avec Jérôme Duwa, ActuaLitté
François Xavier, Le salon littéraire

Littératures

Indifférente aux démarcations de genres, la collection « Littérature » entend représenter une approche curieuse de la création littéraire contemporaine. Poésie, récits singuliers, journaux, carnets, correspondances… : sans autres guides que la surprise et l’émotion, elle s’ouvre à des formes inédites, entêtantes, qu’elle enrichit en les accompagnant d’œuvres originales.

Indifferent to the dividing lines between genres, the collection « Literature » aims to represent a curious approach of the contemporary literary creation. Poesy, singular stories, diaries, notebooks, correspondence… : with no other guides than surprise and emotion, it opens up to new and enhanced forms, paired with original works of art.

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