« Je n’ai pas de théorie sur l’art. Quand j’écris sur un artiste, j’essaie de dire ce que j’ai vu, entendu et pensé dans l’atelier, devant les œuvres. » Fidèle à cette approche, Jean Frémon nous livre un témoignage précieux de ses rencontres avec les artistes et leur travail. Sa longue carrière de galeriste associée à son activité d’écrivain a permis à ce compagnonnage d’irriguer des écrits où se manifeste librement la fascination de l’auteur pour les peintres et sculpteurs qu’il fréquente, et d’exercer un regard vivant sur la création contemporaine.
« Je ne partage pas l’idée répandue que seul l’œuvre compte et son analyse et qu’il est futile de parler de l’auteur : l’un et l’autre m’intriguent également. » Les textes de Jean Frémon se nourrissent avant tout du lien tissé avec ceux qui font les œuvres, et du temps partagé avec eux. Ce n’est pas en historien de l’art qu’il prend la parole mais en spectateur avisé, en chroniqueur et commentateur sensible des coulisses de l’atelier contemporain : « l’atelier d’un artiste est un miroir. Bien davantage que sa silhouette, ce sont la vie et les pensées de son occupant qu’il reflète. » Chaque texte rassemblé dans cet ouvrage est une invitation, le fruit d’une connivence, et l’occasion d’une histoire particulière : « Faire le portrait d’un artiste, rapporter ses propos, décrire l’ordre ou le désordre de l’atelier, est-ce « écrire sur l’art » ? Je n’en sais rien et cela n’importe pas. Ce qui importe c’est la justesse de la notation, le désir d’en faire un petit roman. » Le matériau utilisé sera volontiers le souvenir, l’anecdote et la description, appliqués aux lieux et aux êtres qui composent cette histoire. Ils ouvrent un espace que l’on visite dans la proximité constante des poètes, des penseurs et des écrivains, qui enrichissent d’échos ces multiples retrouvailles.
« Vous me demandez ce que j’ai retiré de la fréquentation des artistes et de leurs œuvres ? Tout. En particulier l’humilité. » De cette humilité, combinée au « constant sentiment d’échec » et au « courage inlassable », Jean Frémon déduit le signe qui les rassemble : la probité. Cette marque qui « excède largement le discours sur l’art », il nous la rapporte avec justesse à travers des instants prélevés - impressions, pensées, observations - comme pour maintenir vivante la spontanéité d’une conversation avec ceux qui la portent.
Le lecteur saisira ainsi la proximité de Francis Bacon et de Michel Leiris, découvrira l’œuvre « cachée » de Jacques Dupin derrière les titres des gravures de Joan Miró ; il visitera les ateliers d’Antoni Tàpies, de Pierre Alechinsky et de Fabienne Verdier ; il cueillera les souvenirs des expositions de Jannis Kounellis, approchera « la manière dont Kiki Smith raisonne et se meut parmi les sollicitations du réel » ou suivra le constat admiratif de l’auteur devant les peintures de Christine Safa, qui « ne parlent que du réel. Il ira encore à la rencontre de Konrad Klapheck, Jean Degottex, Nalini Malani, Nicola De Maria, Wolfgang Laib, Jaume Plensa, Juan Uslé, Sean Scully, David Hockney, Etel Adnan et Richard Tuttle.
L’ouvrage se compose de 28 textes, dont deux inédits, portant sur une vingtaine d’artistes. Il paraît à l’occasion de la 9e édition de la Biennale d’Art Contemporain d’Anglet (du 6 juillet au 19 octobre 2024) et correspond au catalogue de l’exposition organisée à la villa Beatrix Enea, suivant la carte blanche accordée à Jean Frémon. Les œuvres de six artistes y sont exposées : Etel Adnan, Jannis Kounellis, Jaume Plensa, Sean Scully, Kiki Smith, Antoni Tàpies et Richard Tuttle.
Les auteurs
Né en 1946, Jean Frémon dirige la Galerie Lelong & Co. qu’il a fondé avec Jacques Dupin et Daniel Lelong en 1981. Il a publié depuis 1969 de nombreux livres, principalement chez POL, Fata Morgana et L’Échoppe. Il a traduit les ouvrages de David Sylvester sur Alberto Giacometti et Francis Bacon : En regardant Giacometti et Francis Bacon à nouveau sont publiés aux éditions L’Atelier contemporain.
Presse
Cécile Marie-Castanet, Critique d’art
Christian Rosset, Diacritik
Patrick Scemama, La République de l’art
Yves Tenret, Bon pour la tête
Entretien de Jean Frémon avec Didier Arnaudet, Artpress