Ce livre qui comprend tous les textes, entretiens et conférences de Philip Guston est un outil indispensable pour saisir le climat pictural étatsuniens des années 1950 à la fin des années 1970, et pour comprendre la pensée d’un artiste lettré et provocateur travaillant souvent à rebours de l’époque. Il permettra également de saisir comment s’articule le rapport entre art et politique pour Philip Guston, laissant imaginer les longues discussions qu’il devait avoir avec son grand ami l’écrivain Philip Roth.
Édition de Clark Coolidge ; introductions de Dore Ashton et Éric Suchère ; traduction d’Éric Suchère.
Philip Guston est un peintre américain emblématique. Tout au long d’une carrière prolifique et variée, il passe de l’expressionnisme abstrait à un lexique pictural plus personnel qui se caractérise par une imagerie caricaturale et une palette rose qui aura une grande influence sur une génération d’artistes. Né Philip Goldstein le 27 juin 1913 à Montréal au Canada de parents juifs ukrainiens, il grandit en Californie où il étudie au lycée des arts manuels de Los Angeles avec Jackson Pollock. Guston fait ensuite partie intégrante de la scène de l’École de New York dans les années 1950 aux côtés d’artistes comme Willem de Kooning et son ancien camarade Pollock. Il est connu pour avoir abandonné le succès rencontré avec l’abstraction à la fin des années 1960, entraînant sa perte de représentation par sa galerie et de vives critiques. Cependant, le travail figuratif qu’il réalise plus tard tend à être sa plus grande contribution à l’histoire de l’art : en présentant une imagerie récurrente comme des personnages en capuche, des ampoules, des cigarettes et de grands yeux, ces peintures aident à lancer le néo-expressionnisme et placent Guston comme l’un des maîtres du XXe siècle. Son travail fait partie, entre autres, des collections du MoMA de New York, de l’Institut d’art de Chicago et de la Tate Gallery de Londres. Guston meurt le 7 juin 1980 à Woodstock dans l’État de New York.
Ouvrage publié en partenariat avec The Guston Foundation, grâce au concours du Centre national du livre et de la Pearl Collection.
Les auteurs
Philip Guston, ou Philip Goldstein de son nom de naissance, né en 1913 à Montréal (Canada) et mort en 1980 à Woodstock (États-Unis), est un peintre américain. Il est considéré comme appartenant à l’École de New York et au courant de l’expressionnisme abstrait, aux côtés, entre autres, de Jackson Pollock, Joan Mitchell ou Mark Rothko.
Né en 1967, Éric Suchère est critique d’art, commissaire d’expositions, écrivain et traducteur (de poésie et de textes critiques). Il codirige la collection « Beautés » avec Camille Saint-Jacques, est le directeur artistique de « L’art dans les chapelles » et enseigne l’histoire et la théorie des arts ainsi que l’écriture à l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne.
Presse
Entretien d’Éric Suchère avec Yves Tenret, Radio Aligre
Philippe Ducat, Artpress
Jean-Pascal Février, L’art même
Stéphane Guégan, Moderne
Christian Rosset, Diacritik
Agnès Thurnauer, En attendant Nadeau
Extraits
Guston n’avait pas tout à fait seize ans lorsqu’il a été renvoyé du lycée. Peu de temps après, il a gagné une bourse d’un an à l’Otis Art Institute , où il n’a pu tolérer que quelques mois une éducation formelle. Il a abandonné et s’est lancé dans une série trépidante de petits boulots, de rencontres avec d’autres non-conformistes et d’avides lectures. À cette époque, la Dépression s’abattait sur les États-Unis, incitant de jeunes intellectuels, comme Guston, à réfléchir à leur situation sociale et politique. La réponse de Guston fut de tourner son travail vers un style public dérivé de son étude des muralistes mexicains et de son étude de plus en plus approfondie, entreprise en grande partie le soir à la bibliothèque publique, de la peinture de la Renaissance. À l’âge de dix-huit ans, Guston avait accumulé de nombreuses et diverses expériences. Il avait aussi, précoce comme toujours, eu sa première exposition personnelle dans la seule librairie-galerie d’avant-garde de Los Angeles . Il a montré, entre autres, des peintures abouties représentant des conspirateurs du Ku Klux Klan dans un style influencé, visiblement, à la fois par la peinture de la Renaissance et par Giorgio de Chirico, le peintre moderne qui l’a le plus ému. Toute sa vie, il aimait citer la devise de Chirico inscrite en latin sur un autoportrait de jeunesse : « Que peindre sinon l’énigme ? ».
Énigme est un mot curieux apparemment dérivé du grec ancien, qui signifiait « parler sombrement ». Ceux qui connaissent la trajectoire de l’œuvre de Guston reconnaîtront que, malgré les moments d’envolée lyrique, en particulier dans les délicates abstractions du début des années 50, il y avait un murmure constant d’obscurité. Ses changements de langage ne reflètent pas le simple enfant-terribilisme du rebelle ostentatoire mais un sentiment de tragédie parrainé par son observation aiguisée des circonstances de sa vie. L’énigme était sa véritable muse.
(Dore Ashton)
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Tout aussi fort, dans ma mémoire, que les vieux maîtres, est d’avoir vu un vieux camion frigorifique dans Manhattan sur lequel avait été peint un seau avec les veines du bois et tout le reste qui perdait des glaçons. Parfois, quand ma peinture devient trop artistique, je me dis « et si le vendeur de chaussures me demandait de peindre une chaussure sur sa vitrine » ? Tout à coup, tout s’éclaire. Je ne me sens plus responsable et peint directement ce qu’est la chose, avec les déformations nécessaires. Pour tourner la question d’une autre manière, je parlais un jour avec Harold [Rosenberg], lors d’un jury, et je lui disais : « J’aimerais peindre comme si je n’avais jamais peint ou comme si je n’avais jamais vu une peinture ». Bien sûr, c’est impossible. Mais Harold disait que c’était la définition de Mallarmé du vrai poète : le poète à l’Éden.
(Philip Guston)