Par-delà les figures

Écrits sur l’art, 1964-2006
« Il se peut que les images participent d’une respiration plus vaste, qu’elles soient, en vérité, par-delà toutes nos raisons, comme le travail incessant du visible. » « Cette vocation aventureuse des images », Claude Esteban n’a cessé de la questionner dans ses écrits sur l’art qui sont pour la première fois rassemblés en un volume complet. Nombreuses sont les œuvres dans lesquelles il a perçu la manifestation d’un accord retrouvé entre le monde sensible et nous, notamment celles de Morandi, Ubac, Szenes, Chillida, Fernández, Palazuelo, mais aussi Velázquez, le Lorrain, Goya ou Caravage. En elles, il a reconnu, « par-delà les figures », ce « geste inaugural qui fait de cette image la première, celle qui nous accueille au monde, celle, peut-être, qui nous réconcilie ».

Édition établie par Xavier Bruel et Paul-Henri Giraud ; préface de Pierre Vilar.

Date de publication : 5 avril 2024
Format : 16 x 20 cm
Poids : 1260 gr.
Nombre de pages : 952
ISBN : 978-2-85035-146-4
Prix : 30 €

Claude Esteban connaissait très bien l’art de son temps, lui qui a fondé et dirigé la revue Argile aux éditions Maeght, revue connue pour avoir publié, tout au long de son aventure entre 1973 et 1981, Yves Bonnefoy, Jacques Dupin ou Bernard Noël, pour avoir donné à lire en traduction française Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam ou Octavio Paz, mais aussi pour s’être fait passeur des œuvres de Geneviève Asse, Alberto Giacometti ou Luis Fernández. Mais il a aussi beaucoup écrit sur les artistes qu’il aimait. Sa prose poétique, d’une sobre élégance, à l’image d’une « lumière sans mémoire » selon sa propre expression, approche chaque fois, comme le note Pierre Vilar, « le secret des secrets, désigné le plus souvent comme l’amande – du monde, du réel, de l’être en un seul mot ».
Le poète que ses origines situent à la croisée des cultures espagnole et française se passionne pour les artistes qui, « dans cette Europe en proie à ses phantasmes, au vertige d’une culture qui se perd parmi la foison des techniques », tracent une voie singulière où l’on peut déceler une espérance discrète. Il a porté une attention ardente, par exemple, à la peinture de Giorgio Morandi, à ses énigmatiques natures mortes : « Voici proposées les formes les plus pauvres, celles qu’on ne regarde même plus. Morandi ne choisit pas, ou plutôt il a fixé définitivement son choix sur le plus insignifiant, le plus proche. Il sait que n’importe quel objet peut s’alourdir de présence si le regard s’y attache et lui accorde la durée. »
Lui-même n’aura cessé d’exercer une attention qui « s’attache » et « accorde la durée » aux artistes de son temps comme aux peintres classiques. On trouvera dans ce volume des textes consacrés à :
Fermín Aguayo, Pierre Alechinsky, Karel Appel, Arman, Nasser Assar, Geneviève Asse, Francis Bacon, Charles Baudelaire, Jean Bazaine, Simone Boisecq, Yves Bonnefoy, Georges Braque, Caravage, Sergio de Castro, Marc Chagall, Eduardo Chillida, Giorgio de Chirico, Jean Dubuffet, Paul Éluard, Denise Esteban, Luis Fernández, Joaquín Ferrer, François Fiedler, Jean Follain, Alberto Giacometti, Franscisco de Goya, Mercedes Gómez-Pablos, Le Greco, Stanley William Hayter, Edward Hopper, Horst Egon Kalinowski, Willem de Kooning, Wifredo Lam, Louis le Brocquy, Claude Lorrain, André Malraux, Gilles Marrey, Henri Matisse, Henri Michaux, Giorgio Morandi, Bartolomé Murillo, Louise Nevelson, Pablo Palazuelo, Jean Paulhan, Octavio Paz, Pablo Picasso, Jean-Marie Queneau, Raquel, François-Auguste Ravier, Rembrandt, Jacques-Joachim-Jean Rigal, Georges Rouault, Pieter Jansz Saenredam, Joseph Sima, Brigitte Simon, Alfred Sisley, Árpad Szenes, Pierre Tal Coat, Titien, Raoul Ubac, Diego Velázquez, Maria Helena Vieira da Silva, Édouard Vuillard.

Les auteurs

Claude Esteban, né en 1935 et mort en 2006 à Paris, est écrivain et poète. Son œuvre fut récompensée, notamment, par le Prix Mallarmé en 1983 et par le Prix Goncourt de la poésie en 2001. Il a fondé la revue Argile aux éditions Maeght. Parmi ses nombreux livres, on peut citer : Le Partage des mots (essai autobiographique, Gallimard, 1990), Soleil dans une pièce vide (proses à partir des peintures d’Edward Hopper, Flammarion, 1991 ; réed. Farrago, 2003), Morceaux de ciel, presque rien (poèmes, Gallimard, 2001), L’Ordre donné à la nuit (essai sur Caravage, Verdier, 2005), ou encore Le Jour à peine écrit : 1967-1992 (poèmes, Gallimard, 2006), et son dernier livre de poèmes, La Mort à distance (Gallimard, 2007).

Presse

Anré Hirt, Opus 132
Odile de Loisy, Esprit
Alain Madeleine-Perdrillat, Quinzaines
Christian Rosset, Diacritik

Loisy Esteban Études
Madeleine-Perdrillat Esteban Quinzaines

Extraits

« Devant la multiplicité obsédante du monde, le moment est venu d’écrire une phrase simple. Et celle-ci, peut-être, que ces gravures [de Giorgio Morandi] réaffirment : l’art n’est pas la chose enfin possédée, mais l’Autre que nous-mêmes, reconnu, accueilli comme semblable. Il suffit de briser cette “forme pensive” — et tout, même ce mur grumeleux, cette faïence qui s’écaille, sera, est déjà, sauvé.
Avec la nuit qui descend sur Bologne, nous faisons halte aux marches du vieux royaume. Morandi nous attend sur le seuil. Dans sa main, les mêmes fleurs du jour sont le bouquet d’une seule présence. Et par la grâce de cet intercesseur nous recommençons à croire — pouvions-nous vraiment l’oublier ? — que notre être ne se limite pas à la conscience que nous en avons, mais que pareils à ces lampes, à ces bouteilles fabuleuses, nous sommes pénétrés d’espace, nous ne finissons pas. » (« Ces mêmes fleurs du jour », sur Giorgio Morandi)

« L’image — figurative ou non, considérons que la querelle est close — ne nous restitue pas, formellement ou par analogie, une relation particulière de l’extérieur, un récit du réel, retranscrit et régi par des modèles de l’intelligible ou de l’onirique. L’image nous informe, rêveusement, sur la présence diffuse du sensible, sur le fait qu’il y a de l’être autour de nous, en nous, plutôt que rien. C’est, si l’on veut, une manière de preuve ontologique, mais qui ne cherche pas en dehors d’elle son garant ni sa vérité transcendante. » (« Le travail du visible »)

Essais sur l’art

L’essai est une forme qui se détermine à chacun de ses usages, une forme différant sans cesse d’elle-même, autrement dit une forme ouverte. Ne jamais quitter le terrain de l’expérimentation pour celui de la certitude, c’est ce que voudraient permettre ces « essais sur l’art », qui dans leur pluralité ont en commun de chercher moins à dire une vérité figée sur les œuvres qu’à remettre en jeu et en mouvement leur secret.
« Un discours sur l’œuvre de peinture qui ne serait autre que le discours de l’œuvre de peinture est-il possible ? » (Louis Marin) — voilà qui pourrait être un des enjeux de cette collection.

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