Ce volume réunit un ensemble d’entretiens et de textes écrits par Bernard Moninot depuis sa première exposition en 1971, à l’âge de 21 ans, jusqu’à aujourd’hui.
Cette œuvre est celle d’un inventeur de formes à la fois savantes et oniriques. Sa parenté avec l’univers des sciences et des techniques exprime la complicité qui peut lier l’art à la science, quand celui-ci est animé par un sens constant d’une recherche spéculative qui se confond avec la traque, non du visible lui-même, mais des forces physiques invisibles qui le forment.
Édition établie et préfacée par Renaud Ego.
Le travail de Bernard Moninot a été immédiatement reconnu, en particulier par Louis Aragon, en raison de son extraordinaire maîtrise du dessin. On le classa alors parmi les « réalistes » ou les « hyperréalistes », mais ses premières œuvres étaient déjà et surtout une réflexion sur la vision et le visible, comme elles ne cesseront jamais de l’être. Les serres ou les vitrines en travaux qui en étaient les thèmes avaient en commun le verre, matériau de la transparence mais aussi du reflet. Ces lieux d’exposition de marchandises ou de croissance végétale donnaient à voir l’espace intérieur d’une réflexion, dans des mises en scènes du fonctionnement de la vision.
À la fin des années soixante-dix, ses dessins de « chambres noires », inspirés par le laboratoire photographique et tout aussi précis que des photographies, symbolisent chez cet artiste l’atelier mental où s’élabore le dessin. L’envahissement progressif de l’obscurité marque aussi une limite, au-delà de laquelle va s’ouvrir l’espace d’une pratique renouvelée du dessin.
Bernard Moninot abandonne alors toute représentation du monde pour traquer le pouvoir de certains phénomènes, comme les ombres, de créer eux-mêmes des dessins ; ou pour traquer et rendre sensibles des phénomènes invisibles, comme le son, ou le vent. À travers eux, c’est bien souvent le temps qu’il cherche à figurer, dans sa lenteur ou sa vitesse et pour y parvenir, il invente des gestes et des dispositifs très originaux qui sont sa signature.
Ainsi, un dessin préparé, à l’aide de pigment peut être transféré sur une autre surface d’un seul coup de marteau, pour apparaître instantanément, à l’image du tracé au cordeau des maçons qui, à l’aide d’une corde enduite de pigment, peuvent décocher une ligne. L’apparition du dessin rejoint l’immédiateté de la vision. Le son d’un diapason devient visible quand Bernard Moninot en capture les ondes qui se propagent dans une solution liquide et le pétrifie dans un verre. Pareillement, le vent apparaît quand des branches deviennent elles-mêmes le stylet traçant leur mouvement sur des plaques de verre enduites d’un noir de fumée. L’artiste cesse d’être la source des images pour enregistrer celles que les phénomènes inventent d’eux-mêmes.
Le dessin s’enrichit chez Moninot et prend la dimension de sculptures et d’installations qui sont de véritables « dessins dans l’espace », des dessins en trois dimensions : les ombres successives de différents objets très simples sont dessinées et ces dessins sont à leur tour transformés en des objets solides qui, exposés à la lumière produisent à leur tour de nouvelles ombres dans un processus interminable de métamorphose. Souvent réalisés en verre ou en fil de métal, ils deviennent les outils de cet atelier imaginaire où, en chacun, se fabrique la vision.
À l’occasion de la parution de cet ouvrage une digigraphie de Bernard Moninot est éditée.
Les auteurs
Né en 1949 à Le Fay, en Saône-et-Loire. Vit et travaille au Pré Saint Gervais et à Château-Chalon.
« L’œuvre de Bernard Moninot ne rentre dans aucune des grandes catégories expressives. Bien qu’elle travaille avec la pigmentation, elle ne ressortit pas à la peinture, bien qu’elle se déploie dans l’espace, elle ne se donne pas à percevoir en tant que sculpture et enfin elle ne relève pas véritablement de ce que l’on entend par installation. Le plus juste serait de dire qu’elle est de l’ordre du dessin : mais un dessin élargi (au sens où Novalis avait pu parler de "poésie élargie")... » J.C. Bailly
Bernard Moninot étudie aux Beaux-Arts de Paris de 1967 à 1973 où il pratique la gravure dans l’atelier de Lucien Coutaud.
De 1983 à 2006, il enseigne aux Beaux-Arts de Bourges, Angers et Nantes, puis de 2006 à 2015 aux Beaux-Arts de Paris.
[Photo : Samuel Cordier]
Presse
Jean-Paul Gavard-Perret, Le Salon littéraire