« Observations sur la peinture » : ce titre vient de Bonnard lui-même, qui, à la fin de sa vie, sans les dater, composa un mince florilège de ses notes. Aujourd’hui replacées dans l’ordre chronologique, augmentées d’inédites, assorties même de reproductions de pages d’agendas, les notes ici réunies, qui s’échelonnent sur presque vingt années (1927-1946), sont une révélation.
Les agendas que le peintre Pierre Bonnard tint toute sa vie durant ne sont pas simplement constitués de dessins et d’informations sur le temps qu’il fait ; on y trouve aussi de très nombreuses notes sur sa peinture, la création et ses enjeux.
Ces « observations sur la peinture », semées ici comme des notes entre les lignes, confirment l’impression de se trouver dans un sanctuaire de la création, et constituent, sous une forme concise, un art de voir, de peindre et, aussi bien, de vivre, d’un grand poète de la peinture. Elles trahissent les hantises de l’artiste, son inlassable recherche des moyens les plus appropriés pour traduire son émotion visuelle, cette « séduction ou idée première » à quoi tout désormais devra être soumis.
Aucune volonté de didactisme dans ces notes ; aucune règle énoncée qui ne vaille que pour soi-même. Rien de strictement « intellectuel ». Et, cependant, avec l’amour de la vie, toute l’intelligence de la peinture.
(1ère édition : janvier 2015 / ISBN 979-10-92444-17-9 / épuisée)
Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Meyer.
Les auteurs
Homme des XIXe et XXe siècles, la personnalité de Pierre Bonnard (1867-1947) s’est façonnée entre la fin de l’impressionnisme, le mouvement nabi dont il est l’un des principaux artisans, pour ensuite s’affranchir de tout courant artistique et de toute convention développant une image très personnelle. Prédomine alors son regard sensible sur le monde dans lequel une nature enchantée, vibrante et lumineuse s’oppose à la réalité. Sous une apparence de tranquille simplicité, l’œuvre de Bonnard se révèle complexe, pleine de nuances et comme détachée du temps.
[Pierre Bonnard, Autoportrait, 1924, encre et crayon sur papier, 11 x 6 cm.]
Presse
Une lecture par François Bon (« le tiers livre »).
Didier Ayres (« La cause littéraire »).
Philippe Chauché (« La cause littéraire »).
Ludovic Degroote (« poezibao »).
Jean-Paul Gavard-Perret (« De l’art helvétique contemporain »).
Jérémy Liron (« Les Pas perdus »).
François Xavier (« Le salon littéraire »).
Des avis de lecteurs sur « Babelio.com ».
Extraits
Le dessin d’après nature ou mémoire.
La couleur se raisonne d’après l’impression.
Comment on fait la peinture.
1. L’idée de l’objet œuvre d’art
2. La belle impression initiale
3. Le magasin de beauté personnelle et des maîtres
4. Les propositions de la matière picturale
Les stations de rêverie comme le chat,
le sommeil entre les exaltations comme le chien.
Élément étranger : souvent le blanc pur ou le noir.
Il y a une formule qui convient parfaitement à la peinture : beaucoup de petits mensonges pour une grande vérité.
Puisque tous les peintres entreprennent les mêmes choses, se heurtent aux mêmes difficultés, utilisent les mêmes moyens, c’est que les différences proviennent de l’intérieur.
Dans ce subtil équilibre entre mensonge et vérité, tout est relatif, tout est une question de plus ou de moins. L’extrême sincérité risque aussi bien d’apparaître ridicule ou insoutenable.
Si on oublie tout, il ne reste plus que soi, et cela n’est pas suffisant. Il est toujours nécessaire d’avoir un sujet, si minime soit-il, de garder un pied sur terre.
Quand on couvre une surface avec les couleurs, il faut pouvoir renouveler indéfiniment son jeu, trouver sans cesse de nouvelles combinaisons de formes et de couleurs qui répondent aux exigences de l’émotion.
En art, il n’y a que des réactions qui comptent.
Il ne s’agit pas de peindre la vie,
il s’agit de rendre vivante la peinture.
J’ai une palette. Mais les assiettes me permettent d’isoler les tons, tandis que la palette a le défaut de proposer, de les imposer, et c’est un danger. Ce sont des choses que l’on n’apprend que très tard. Ce serait trop facile de se mettre devant un paysage, de l’observer et de le transposer simplement sur la toile. Il faut encore songer au lieu où les toiles seront ensuite regardées.
Delacroix l’a écrit dans son Journal : « on ne peint jamais assez violent ». Dans la lumière du Midi, tout s’éclaire et la peinture est en pleine vibration. Portez votre tableau à Paris : les bleus deviennent gris. Vus de loin, ces bleus, aussi, deviennent gris. Il existe donc en peinture une nécessité : hausser le ton. Les primitifs l’avaient bien compris qui cherchaient les rouges, les azurs, les plus ardents dans les coloris précieux : le lapis-lazuli, l’or et la cochenille. La nature nous tend des pièges avec ses thèmes, que l’intelligence, mais surtout le métier, parviennent à déjouer. C’est le seul avantage que nous ayons de vieillir : profiter de nos expériences personnelles.
J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon.