Aux discours et controverses de l’histoire de l’art, Guy Boley substitue l’histoire d’une vie, faisant de l’existence et de l’œuvre du peintre Rogier Van der Weyden (1399-1464) – de ceux qu’on nomme « primitifs flamands » et qui fut l’auteur d’une prodigieuse Descente de Croix qu’on lui commanda en 1435 – un récit vivant, sensible et libre. Suivant le fil des événements connus, s’appuyant sur les faits et interrogeant les événements que nous relatent les spécialistes, c’est un regard au présent qui aussitôt se porte vers ce maître issu d’une famille d’humbles artisans, que rien ne prédestinait à la tâche, tentant de rejoindre l’énigme qui sous-tend la création artistique devant la destinée tragique et partagée des hommes.
« Pourquoi devient-on peintre, et peintre à un tel point qu’on en a fait métier ? Fils de fabricant de couteaux à Tournai, ville riche amplement commerçante, la voie était pourtant tracée pour qu’il reprenne l’affaire et nage dans la joie de la confection des lames, effilage, polissage, aiguisage, peaufinant l’objet du manche à l’émouture. On avait tout prévu pour faire de sa vie un long Escaut tranquille : qu’il devienne coutelier comme l’était son père, qu’il se marie, se reproduise et mette ainsi au monde de futurs couteliers qui eux aussi croîtront et se multiplieront, et transmettront leur science à leurs propres enfants et cela sans rupture jusqu’à ce que le monde, au Jugement Dernier, s’émousse de lui-même comme lame trop usée et ne laisse comme traces, une fois tout consommé, une fois tout accompli, que poussières d’humains, abondances de ruines et cendres encore fumantes dans une apocalypse où de puissants dragons cracheront des éclairs et ouvriront les nues afin que puissent entrer les Cavaliers du Ciel, glaive d’acier en mains. »
Les auteurs
Né en 1952 à Besançon, Guy Boley a exercé de multiples métiers manuels et artistiques avant de s’adonner à l’écriture, d’abord comme dramaturge pour des compagnies de danse et de théâtre, puis en tant que romancier. Il a publié quatre ouvrages aux éditions Grasset : Fils du feu (2016), lauréat de sept prix littéraires (dont le Grand Prix SGDL du premier roman, Prix Georges Brassens, Prix Millepages, Prix Alain-Fournier, Prix Françoise Sagan) ; Quand Dieu boxait en amateur (2018) ; Funambule majuscule – Lettre à Pierre Michon suivie de Réponse de Pierre Michon (2021) et À ma sœur et unique (2023) récompensé du Prix des Deux Magots.