On connaissait Markus Lüpertz comme peintre et comme sculpteur ; on le découvrira ici poète, orateur, essayiste. Aussi ancienne que sa pratique de la peinture, fruit de la même exigence portée avec la même vigueur, son œuvre d’écrivain réclame d’être lue à part – quoique l’écrivain en question s’affirme peintre corps et âme.
Cette apparence de paradoxe, entre autres « affirmations », le lecteur pourra l’approfondir au fil de cette sélection de textes écrits sur près de soixante ans, dans lesquels Lüpertz, en adepte du mystère, s’avance tour à tour sous le masque d’Orphée, du « rejeton de philosophe » et du peintre franc-tireur, faisant valoir avec une constance implacable sa vérité. Comme il le dit lui-même : faites-vous à moi, il n’y a pas d’autre moyen / il n’y pas de remède contre moi / je suis comme la pluie / je fais qu’en vous les fleurs fleurissent / que la terre respire, que le monde en vous vous paraisse supportable.
Préface d’Éric Darragon. Traduction de Régis Quatresous.
Carnets d’atelier 1975-1990 ; Textes 1979-2000 ; Entretiens 1984-2014
Réunissant d’une part carnets, d’autre part textes et entretiens dont l’écriture ou la parution s’échelonnent des années 1970 à aujourd’hui, Le Temps de peindre jette sur l’œuvre de la peintre Monique Frydman un éclairage neuf par son ampleur, sa densité et sa profondeur. C’est en effet le premier mérite de ce volume en deux volets, doublement préfacé et enrichi de cahiers iconographiques importants, que de proposer au lecteur une approche croisée de ce travail dans lequel l’écriture, avant, pendant, après, joue un rôle constitutif, ne serait-ce qu’en permettant à l’artiste de « rationaliser par la parole » ce qui advient dans sa peinture.
« Observations sur la peinture » : ce titre vient de Bonnard lui-même, qui, à la fin de sa vie, sans les dater, composa un mince florilège de ses notes. Aujourd’hui replacées dans l’ordre chronologique, augmentées d’inédites, assorties même de reproductions de pages d’agendas, les notes ici réunies, qui s’échelonnent sur presque vingt années (1927-1946), sont une révélation.
Tous les jours pendant plus de deux ans, Thieri Foulc s’est astreint à l’écriture d’une « peinture non peinte », texte court qui résume une idée de tableau dont le principal intérêt – dixit l’auteur – est justement de ne pas être réalisée, de rester à l’état de fulgurance, de « projet », dans un élan interrompu en direction de la peinture. Discipline hybride, donc, qui croise verbal et pictural, et joue de cette allégeance double comme d’un moyen de ne s’en tenir à aucune.
Trois peintres de la Figure est le deuxième volume de la suite Proximité du tableau, initiée en 2021 par le philosophe Paul Audi, dont l’œuvre est en grande partie consacrée à mieux cerner les questions éthiques complexes qui hantent les arts en régime de modernité. Je ne vois que ce que je regarde, le premier volume paru chez Galilée, cherchait à décrire « le miraculeux de la présence » qui peut naître de la rencontre entre un regard et un tableau. Dans ce deuxième volume, ce miraculeux a pour nom « Figure ». La Figure est ce qui émerge quand a lieu une rencontre avec un tableau, cette « entité imaginale qui me regarde ». Pour comprendre les conditions de cette fragile émergence, Paul Audi prête ici une attention passionnée aux œuvres de trois peintres contemporains : Eugène Leroy, Paul Rebeyrolle et Ronan Barrot.
Figures disparues , vol.2
En quoi Auschwitz a-t-il rompu les modalités traditionnelles de représentation de la figure humaine héritées de la Renaissance ? Dans quelle mesure cette rupture s’est-elle logée dans le discours moderniste au point, désormais, d’y passer en partie inaperçue ? L’art contemporain est-il un art qui se situe simplement après Auschwitz ou bien est-il, de manière plus complexe, un art d’après l’événement ?
Telles sont quelques-unes des questions qui donnent a cette Histoire de l’art d’après Auschwitz ses principales orientations. À bien des égards, en proposant une relecture critique des fondements de la modernité artistique et une généalogie de l’art contemporain, cette vaste étude se veut donc aussi une contre-histoire de l’art.
« L’anonymat est un combat » disait Jean Clay. Une discrétion revendiquée plane sur l’existence et sur l’œuvre de celui qui a fondé les prestigieuses éditions Macula en 1980. Atopiques rassemble ses écrits sur l’art les plus importants, parus notamment dans les revues Robho et Macula qu’il a fondées avec une passion érudite, au fil des années 1960 à 1980. Des contributions des historiens de l’art Yve-Alain Bois et Thierry Davila en éclairent la portée théorique et historique.
« Je n’ai pas de théorie sur l’art. Quand j’écris sur un artiste, j’essaie de dire ce que j’ai vu, entendu et pensé dans l’atelier, devant les œuvres. » Fidèle à cette approche, Jean Frémon nous livre un témoignage précieux de ses rencontres avec les artistes et leur travail. Sa longue carrière de galeriste associée à son activité d’écrivain a permis à ce compagnonnage d’irriguer des écrits où se manifeste librement la fascination de l’auteur pour les peintres et sculpteurs qu’il fréquente, et d’exercer un regard vivant sur la création contemporaine.
Publication d’une soixantaine de lettres échangées entre 1969 et 1984, suivies d’un essai inédit de l’écrivain belge. Cet ouvrage nous donne à découvrir la naissance d’une véritable amitié entre les deux hommes d’une génération de différence, dont la correspondance se fait l’écho. Au fil des lettres, transparaissent le respect sincère, l’admiration réciproque, une amitié qui confine parfois à l’amour fraternel, tant à travers le contenu des échanges que dans la forme de leur adresse. Ce livre nous plonge dans l’univers des deux artistes, leurs échanges épistolaires évoquant leurs œuvres respectives, leur processus de création comme leurs influences.
Édition de la correspondance complète entre les deux artistes, largement inédite, augmentée d’un long entretien que VN avait réalisé avec JD pour la revue Flash Art, des préfaces écrites par celui-ci pour Le Drame de la vie, d’un texte de VN en écho aux personnages de JD, et de très nombreux documents inédits : dessins, lettres, manuscrits… Préface de Pierre Vilar.
Cheminant vers ce qu’il aime appeler la « vérité de poésie », Yves Bonnefoy a toujours apprécié le voisinage des peintres et de la peinture, proximité à travers laquelle on devine la résonance intime, ardente et pourtant mystérieuse, qu’il pressent en cet art.
Parmi ces compagnons de travail et de pensée, Gérard Titus-Carmel tient une place singulière. Cet artiste, lui-même poète, sait en effet les difficultés qu’un texte souvent oppose à se laisser illustrer, regimbant aux « illustrations mercenaires » qui le figent ou le défigurent. Voici donc près de dix ans que se tresse ce dialogue entre ces deux belles et voisines solitudes qui, d’une rive l’autre, semblent se héler. Ce dialogue est scandé par des œuvres majeures qui lui ont donné ses accents et ses formes.
Ces œuvres révèlent une amitié vraie et, sans doute à la source de cette connivence, les contours d’une intuition partagée.
« Je recopie les notes que j’ai prises dans l’atelier du peintre, au fil de ma discussion avec Jean-Pierre Schneider. Je laisse çà et là émerger de nouvelles phrases qui s’invitent sur mes feuilles. Mes phrases sont le liant acrylique d’une peinture. Je décide de faire le portrait de Jean-Pierre Schneider. Je tente de peindre un livre en étalant la matière de ses mots. Je m’éloigne parfois ou bien je modifie l’angle de ma présence face à eux. J’apporte du silence. Souvent, ils n’ont pas besoin de plus. Ce n’est pas tant que Jean-Pierre parle bien de la peinture. Je crois qu’il parle bien de la vie. Et il se trouve que sa vie, c’est la peinture. » Christophe Fourvel
Morgane Salmon exprime son univers foisonnant à travers des céramiques colorées et exubérantes où les motifs naturels, ressaisis par l’imagination, se développent, s’organisent et saturent librement l’espace sculpté. Dans un mouvement de profusion organique qui dépasse la fonction utilitaire de l’objet, la frontière entre art et artisanat est brouillée : un élan jubilatoire donne vie à l’œuvre, accueillie et accompagnée avec simplicité par cette artiste inclassable qui en respecte la croissance sans la contraindre par la raison. « C’est comme ça » !
Contributions de Nadine Lehni et Daniel Payot. Entretiens de l’artiste avec Jean Jérôme.
Deux femmes raconte l’histoire d’une image qui, affleurant à la mémoire de l’artiste, ne cesse en même temps de se diffracter. Le livre de Farhad Ostovani donne à contempler une série réalisée à partir d’une intrigante photographie de sa mère et de sa grand-mère, photographie datant de son enfance iranienne. Retravaillant avec ses outils de peintre un certain nombre de photocopies de cet instantané sans prétention artistique, il en propose des « variations », quasiment musicales, qui approfondissent le mystère de ces deux présences, et de cet instant suspendu, qui semble s’être détaché du cours du temps.
Dans Guillaume Pujolle – La peinture, un lieu d’être, Blandine Ponet part sur les traces de Guillaume Pujolle (1893-1971) qui fut menuisier, douanier, mais aussi peintre. Il fut interné une grande partie de sa vie à l’asile de Braqueville, devenu l’hôpital Gérard Marchant, à Toulouse ; c’est de ce lieu qu’est partie Blandine Ponet, où elle-même a travaillé comme infirmière en psychiatrie. De là, elle tire les fils de la complexe destinée de l’artiste, ce qui l’entraîne aussi à se pencher sur l’histoire de la psychiatrie, du surréalisme, de l’art brut ou de la dévastatrice première guerre mondiale. Telle est sa manière de lutter contre « l’oubli, l’immobilisme, l’absence d’histoire, l’ordre et la routine ».
« Se pourrait-il qu’un événement soit ce moment si singulier qu’il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d’autres moments […] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? »
C’est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d’une Vierge de l’Annonciation, à la fin du XVe siècle.
Récit d’une fascination et exploration d’une obsession, le texte de Yannick Haenel nous plonge dans la sollicitation invincible des nus peints par Pierre Bonnard. S’immergeant quotidiennement dans leurs couleurs, contemplant et comparant d’un œil altéré la vibration salutaire de leurs tons, l’auteur « perfectionn[e] [sa] soif ». De cette rencontre se libère l’écriture parmi la multiplication entêtante des corps qui étincellent.
À qui pense qu’on n’a plus grand-chose à voir ni à apprendre des peintures de Claude Monet, trop vues, trop interprétées, le court récit de Stéphane Lambert démontre le contraire. Il se donne à lire comme une tentative de regarder l’œuvre du peintre de Giverny depuis notre présent tragique : celui d’une « ère nucléarisée », d’un « champ de ruines à l’approche d’un possible anéantissement », d’un « après-paysage ». Dès lors, peut-être pourrons-nous entrevoir « dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur ».
« Peintre du lointain intérieur s’il en est », Édouard Manet incarne aux yeux de Gérard Titus-Carmel une déchirure étrangement féconde du rapport moderne au monde. Retiré dans la nuit de son être, dans ce que Georges Bataille nommait « une indifférence suprême », le peintre lave le monde qu’il représente de toute interprétation pathétique. Mais c’est pour le rendre à son étrangeté fascinante, pour ouvrir « sur un état du monde bien plus énigmatique qu’il n’y paraît ».
Selon les anciens, pour faire un grand peintre, il fallait trois conditions : élévation de l’esprit, liberté du pinceau, connaissance des choses. Trouver un artiste qui remplit une de ces conditions est déjà rare. Or, dans la vieille ville d’Edo, vivait un artiste nommé Hokusai (« Atelier du Nord ») qui les remplissait toutes à merveille. Si Hokusai sait camper une scène de société avec vivacité, s’il saisit avec une rapidité fulgurante toutes sortes de phénomènes, s’il plonge avec humour dans les fantasmes, c’est peut-être dans les grands paysages qu’éclate son génie à la fois extravagant et serein.
On connaît Géricault pour ses peintures de chevaux transis par la foudre, pour ses portraits d’enfants les plus troublants de l’art français, pour ses têtes de fous qui n’ont aucun équivalent dans l’histoire de la peinture, et pour son immense tableau révolutionnaire et moderne, Le Radeau de la Méduse, chef-d’œuvre du Romantisme et protestation de la vie jusque dans la mort. On sait aussi que sa vie fut brève et fulgurante, son œuvre inachevée mais géniale, et que sa mémoire fut révérée par tous les artistes du XIXe siècle.
Mais on ne savait pas ce que Jérôme Thélot montre ici, que Géricault fut en outre un penseur, aussi grand qu’il fut grand artiste.
Avec Magritte ne pourrait mieux porter son titre. Réunissant en 1977, dix ans après la mort du peintre, les écrits qu’il lui avait consacrés entre les années 1940 et 1960, Louis Scutenaire immortalisait là une complicité de quarante ans, entre compagnonnage et « copinage ».
Il l’avait écrit à Heller : « Si vous tenez propre ce tableau, il restera cinq cents ans propre et frais… » Dürer donne rendez-vous en l’an 2000. À présent que nous sommes à l’échéance annoncée, que reste-t-il à écrire de Dürer ? Interroger ce reste : chacun peut y aller de sa compilation.
Il n’en fallait pas moins un cartographe habile pour resituer ainsi dans notre ciel le riche amas de la galaxie Dürer à cinq siècles de distance, et combiner sous nos yeux les lignes de sa constellation maîtresse : le Burin du graveur.
Dans la dernière édition de L’origine des espèces (1856) Charles Darwin s’interroge sur la nature du sentiment de la beauté. Le temps a passé et la réponse à la question que se posait Darwin semble de plus en plus échapper à la philosophie et à l’esthétique pour devenir l’affaire de l’anthropologie, des naturalistes et de la sociologie. En matière d’art, la fin des prétentions de l’universalisme européen et celles aussi de « l’exception humaine » (J-M. Schaeffer) renouvellent les questions concernant l’origine de nos conduites esthétiques : quand et comment sont-elles apparues ; quels en sont les moteurs ; sont-elles exclusivement humaines… ? Si les pratiques contemporaines depuis une quarantaine d’années ne rejettent plus l’idée de beauté plastique, elles y sont parfois (souvent) indifférentes comme si cette notion qui a longtemps dominé l’art était marginale. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Beautés ouvre donc l’enquête en interrogeant artistes et penseurs dans le but de documenter les enjeux.
Depuis deux siècles l’histoire de l’art occupe le passé, elle ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et finit par cautionner les valeurs du marché. Face à l’histoire l’artiste et l’amateur d’art, manquant d’autorité et de statut, sont souvent démunis.
Qu’en est-il aujourd’hui de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs ? Une telle hiérarchisation des pratiques artistiques entre high and low a-t-elle encore un sens ou bien doit-on désormais considérer que le temps d’une création libre, sans bornes ni entraves est venu, que l’art est un tout au sein duquel chacun est libre d’aller et de venir comme bon lui semble ?
Derrière cette question qui agite l’art contemporain depuis quelques décades se cachent de nombreux enjeux économiques, sociaux et bien sûr esthétiques qui apparaissent à la fin du XIXe siècle et se développent tout au long du XXe. L’étude de ces enjeux montre que l’esprit libertaire qui prétend faire tomber les barrières est autant porteur d’émancipation que d’une idéologie libérale.
L’usage actuel du terme de chef-d’œuvre semble paradoxal. On le voit dénié par la réalité de l’art, qui procède d’un travail produisant des pièces par séries ; décrié par l’époque, qui le rejette comme une notion anachronique, sinon antidémocratique ; dévoyé par le marché, où il s’emploie pour désigner celui des travaux d’un artiste qui se vend le plus cher – et néanmoins, il subsiste à l’état de boussole, de nec plus ultra, d’expérience esthétique suprême : jamais les toiles de maîtres n’auront vu défiler autant de spectateurs.
À partir de ce constat, Éric Suchère et Camille Saint-Jacques proposent chacun un essai, sous un titre – Le Chef-d’œuvre inutile – qui se veut moins provocant que problématique. Car s’il s’agit bien ici d’interroger ce qu’on pourrait nommer un déclin du chef-d’œuvre, on ne trouvera en ces pages nulle déploration de principe. Non pas céder, donc, à une dépréciation massive des tendances contemporaines, mais forger les critères qui permettront de les comprendre et d’en apprécier l’opportunité.
Ce livre évoque le roman picaresque, il n’y a pas d’autre mot, de La Délirante et de ma vie, c’est tout un, et de l’amitié créatrice qui m’a lié à tant de poètes et de peintres, à Sam Szafran surtout, le temps de cette aventure.
L’escalier de la rue de Seine que je l’avais engagé à dessiner et peindre, avant qu’il s’y mît pour n’en plus sortir, comme du songe d’une ammonite, marqua l’acmé de notre amitié et de son œuvre. J’ai tenté jusqu’au bout de l’arracher à la tentation de l’escalier, mais elle était si forte qu’il resta captif de ses déclinaisons jusqu’à sa mort. [F.E.-E.]
Au milieu des années 1990, Jean-Pierre Ritsch-Fisch a abandonné l’entreprise familiale de fourrure, pour fonder à Strasbourg une galerie consacrée à ce que Jean Dubuffet appela l’Art Brut. Un retour à ses amours d’adolescence : le monde de l’art et ses sensations fortes, s’impose à lui. Débutant à la manière d’un conte, s’apparentant ensuite, tantôt à un roman d’aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L’Art Brut et le Marchand relate ce périple singulier.
En 1874, un groupe de peintres dissidents expose ses œuvres en marge des circuits officiels. Un critique invente par dérision le mot « impressionnisme ». Cet événement est considéré, à juste titre, comme l’une des étapes initiatrices de l’art moderne. Avec ces expositions, l’écosystème de l’art contemporain se met alors en place : recherche du scandale, intervention monopolistique d’un marchand, union opportuniste des plasticiens et des écrivains d’avant-garde.
Cet ouvrage s’appuie sur une documentation de première importance et met en avant propos et témoignages de « premières mains » qui révèlent pour la première fois la stratégie des artistes. Les échos avec notre époque contemporaine sont multiples et pour le moins surprenants…
"Voici un lieu où tout était vivant, jusqu’au désastre et à la mort même. Malgré un dénuement extrême, il semblait enchanteur. Il enchanta en effet ceux qui le vécurent, un couple d’artistes minutieux et visionnaire, Dado et Hessie, leurs enfants, leurs amis, la volaille, les chats et tous ces animaux que l’on dit sauvages autour de l’étang. Par le regard du fils, nous voici au cœur vécu d’une œuvre intime, bouleversante et belle, juste et inquiétante." (Germain Viatte) Dado, le temps d’Hérouval suit les traces de l’artiste dans sa vie quotidienne, retiré dans un hameau de l’Oise.
Parcelle 475/593 saisit le sentiment de fascination qu’on peut éprouver dans les lieux que nous habitons autant qu’ils nous habitent, lorsqu’on est soudain illuminé par la persistance de leur étrangeté fondamentale. Le livre porte le nom d’une parcelle, d’un jardin que le photographe Stéphane Spach explore depuis l’enfance, traquant l’inconnu des lumières changeantes et des existences non-humaines. Un texte de Jérôme Thélôt – Orphée photographe – accompagne les photographies.
Stéphane Spach glane et collecte : encriers brisés exhumés des tranchés de la première guerre, ossements dispersés et crânes d’animaux sous plastique issus de collections zoologiques, fleurs et feuilles fanées qui semblent des reliques d’un jardin perdu... Toutes ces choses sont offertes au regard des lecteurs de cette vaste monographie, en même temps que rendues à leur silence troublant.
Conversation tardive, toujours tardive, toujours repoussée vers la fin d’un temps qui n’arrive pas. Ce livre témoigne de ce temps qui ne finit pas, et dont seule la photographie est capable d’en saisir les prémisses : « La photographie, est-il écrit en fin d’ouvrage, s’effaçait devant l’opacité du temps, devant l’énigme. Ce qui me troublait, c’était autant la disparition que l’apparition. Je croyais que c’était l’énigme de la photographie, c’était l’énigme de la vie . »
Marelle est un recueil de poèmes cliniques. Psychologue clinicienne et psychanalyste, Julia Peker exerce dans un Centre Médico-Psychologique où elle reçoit enfants et adolescents. Chacun des poèmes de ce recueil reprend une consultation menée avec un enfant. Il ne s’agit pas de restituer un tableau clinique, mais de rendre hommage à la singularité de chaque rencontre. Dans sa lecture de Marelle, le poète Jean-Louis Giovannoni remarque que l’écriture de Julia Peker « travaille directement avec les parts invisibles de notre psychisme, non seulement celles qui nous fondent, mais aussi celles avec lesquelles nous envisageons le monde et notre rapport aux autres ». Marelle est un livre de poésie qui nous rappelle « qu’il faut d’abord réparer ce qui est blessé en profondeur ; bricoler s’il le faut du provisoire, bouger même si c’est de peu, et surtout tenir dans le temps… pour que le chant puisse un jour reprendre ».
Préface de Jean-Louis Giovannoni
Dessins d’Ena Lindenbaur
Nous qui nous apparaissons trace une voie dans l’inconnu, dans la nuit des sombres temps. Pour affronter cette nuit, Gérard Haller invoque la compagnie des poètes qui lui sont chers, comme Nelly Sachs et Paul Celan, dont une formule aussi obscure que limpide est placée en exergue : « vers nous et devant nous et vers nous ». C’est ce battement qui scande Nous qui nous apparaissons, comme il scande tout cheminement dans l’inconnu.
Écrire, photographier : deux façons de se tenir au bord du monde.
C’est ce bord, immémorial et intime, que le photographe Alain Willaume arpente, dont il relève obstinément les traces et fait retentir l’écho. Et c’est là que l’accompagne, par moments, depuis plus de trente ans le poète Gérard Haller.
Face’s End est né de cette compagnie à éclipses, éphémère et fidèle.
Livre à deux cette fois – deux écoutes, deux regards. Mais, d’un phrasé sur image à l’autre, un seul et même poème. Un film au ralenti. Le temps devant chaque image de la laisser entrer en résonance et s’ouvrir, se diffracter, nous exposer ainsi à la nuit du monde qui nous précède comme à l’inouïe aurore qu’elle appelle.
C’est un livre dont il est plus facile et plus tentant de dire ce qu’il n’est pas que ce qu’il est : d’abord parce qu’il est singulier, étrange et peut-être unique en son genre ; ensuite pour éviter à son lecteur d’être déçu pour de mauvaises raisons. Loin de lui tout « projet », tout « message », toute arrière-pensée. Il est tout entier à ce qu’il raconte, n’a pas le temps et l’espace de nous adresser des clins d’œil, et pour cause : ce qu’il relate est la vie même, dans ce qu’elle a de beau, d’embêtant et de déchirant. C’est un roman qui n’a pas d’autre beauté que de conter un destin qui nous touche ; mais cette beauté-là, il l’a toute. On ne peut mieux plaider en sa faveur qu’en demandant de lui faire confiance. Il le mérite, et on ne le regrettera pas.
« Que lisez-vous ? »
Alexandre Hollan
Jérémy Liron
Clémentine Margheriti
Gérard Titus-Carmel
« Pourquoi écrivez-vous sur l’art ? »
François Dilasser
Alexandre Hollan
Ann Loubert
Monique Tello