On connaissait Markus Lüpertz comme peintre et comme sculpteur ; on le découvrira ici poète, orateur, essayiste. Aussi ancienne que sa pratique de la peinture, fruit de la même exigence portée avec la même vigueur, son œuvre d’écrivain réclame d’être lue à part – quoique l’écrivain en question s’affirme peintre corps et âme.
Cette apparence de paradoxe, entre autres « affirmations », le lecteur pourra l’approfondir au fil de cette sélection de textes écrits sur près de soixante ans, dans lesquels Lüpertz, en adepte du mystère, s’avance tour à tour sous le masque d’Orphée, du « rejeton de philosophe » et du peintre franc-tireur, faisant valoir avec une constance implacable sa vérité. Comme il le dit lui-même : faites-vous à moi, il n’y a pas d’autre moyen / il n’y pas de remède contre moi / je suis comme la pluie / je fais qu’en vous les fleurs fleurissent / que la terre respire, que le monde en vous vous paraisse supportable.
Préface d’Éric Darragon. Traduction de Régis Quatresous.
Carnets d’atelier 1975-1990 ; Textes 1979-2000 ; Entretiens 1984-2014
Réunissant d’une part carnets, d’autre part textes et entretiens dont l’écriture ou la parution s’échelonnent des années 1970 à aujourd’hui, Le Temps de peindre jette sur l’œuvre de la peintre Monique Frydman un éclairage neuf par son ampleur, sa densité et sa profondeur. C’est en effet le premier mérite de ce volume en deux volets, doublement préfacé et enrichi de cahiers iconographiques importants, que de proposer au lecteur une approche croisée de ce travail dans lequel l’écriture, avant, pendant, après, joue un rôle constitutif, ne serait-ce qu’en permettant à l’artiste de « rationaliser par la parole » ce qui advient dans sa peinture.
« Observations sur la peinture » : ce titre vient de Bonnard lui-même, qui, à la fin de sa vie, sans les dater, composa un mince florilège de ses notes. Aujourd’hui replacées dans l’ordre chronologique, augmentées d’inédites, assorties même de reproductions de pages d’agendas, les notes ici réunies, qui s’échelonnent sur presque vingt années (1927-1946), sont une révélation.
Tous les jours pendant plus de deux ans, Thieri Foulc s’est astreint à l’écriture d’une « peinture non peinte », texte court qui résume une idée de tableau dont le principal intérêt – dixit l’auteur – est justement de ne pas être réalisée, de rester à l’état de fulgurance, de « projet », dans un élan interrompu en direction de la peinture. Discipline hybride, donc, qui croise verbal et pictural, et joue de cette allégeance double comme d’un moyen de ne s’en tenir à aucune.
Essai d’un homme de la lettre converti à l’image, Le Désir de voir retrace une initiation au regard pictural. Intitulées « Voir dans le noir », « L’instant de voir », « Voir en rêve » et « Manières de voir », les étapes de cet essai discrètement autobiographique donnent lieu à l’exploration de plusieurs modes de vision, découverts au croisement d’expériences personnelles, d’expérimentations artistiques, de lectures et de contemplations.
Entamé sous les auspices de Michaux et de ses peintures-idéogrammes, poursuivi dans le compagnonnage des dessins « signes » ou d’Alexandre Hollan, élargi au contact – entre autres – des encres de Joan Barbarà, des monotypes de Degas, de l’« outre-noir » de Pierre Soulages et des « protographies » d’Oscar Muñoz, ce parcours est désirant et raisonné. Confessant son statut initial d’étranger dans le royaume des images, et soupçonnant ses affinités picturales d’être entachées du signe de l’écrit, Laurent Jenny convertit cette nécessité en haute vertu, dans des analyses dont sont seuls capables un regard consciencieux et une parole consciente des limites de son pouvoir : « “Écoute-voir”, dit le langage familier. “Regarde-dire” me semble aussi un bon chemin. Essayons… » Et son parcours fructueux de devenir ainsi celui de son lecteur.
Dans ce recueil d’entretiens réalisés au fil de sa longue carrière d’homme de radio, entre le milieu des années 1970 et la fin des années 2000, Jean Daive propose un montage de paroles qui cherche à préciser le statut de l’image et son rapport avec l’écrit chez les artistes d’aujourd’hui. « Comment s’est-elle organisée cette double rencontre à vivre simultanément – une image désormais est à lire et une écriture désormais est à voir ? Comment cette singulière permutation presque permanente s’est-elle opérée dans l’art d’aujourd’hui ? » Questions dont les enjeux sont pour part autobiographiques (Jean Daive étant toujours partie prenante dans ces rencontres), mais surtout linguistiques, graphiques, picturaux et perceptifs.
La Présence dans la poésie et l’art modernes
Présence. Loin de se livrer au seul démon de la critique, de la rupture et de la déconstruction, les plus grands poètes comme les plus grands peintres du XIXe et du XXe siècles ont construit leur œuvre autour d’une rencontre positive avec le réel. Il y a, être, étant, être là, être au monde : ce sentiment de l’évidence a pris beaucoup de noms différents. Mais un tel chatoiement ne doit pas nous aveugler sur l’unicité d’une expérience qui traverse la plupart des poétiques et des esthétiques de la modernité. Partant de ces coïncidences trop nombreuses pour relever du hasard, L’Émerveillement en propose la synthèse et offre du même coup, en sept chapitres qui s’offrent comme autant de circonvolutions autour d’un thème central, une apologie de la présence. Car ce mot, au-delà des rencontres qu’il suscite entre les plus grands créateurs des deux derniers siècles, ce mot désigne en premier et en dernier lieu la certitude de faire partie du monde – une certitude que l’art peut restituer et provoquer.
La découverte des peintures de la Préhistoire s’est accompagnée du sentiment très puissant d’assister à une apparition. Cet enchantement a culminé avec la grotte de Lascaux puis avec celle de Chauvet, mais l’éblouissement qui continue d’envelopper les peintures laisse sur nos yeux une taie, semblable à un point aveugle, qui ne s’est toujours pas dissipée. Il est vrai que les préhistoriens ont concentré leur attention, non sur ce geste si novateur de rendre visible le monde sous la forme de figures, mais sur les usages supposés de ces premières images : être un passe-temps décoratif ou une tentative d’infléchir le succès de la chasse par « la magie sympathique » ; représenter une mythologie, faite de couples d’animaux incarnant une conception sexuée du monde ou encore, être un rituel chamanique de contact religieux. Mais la question de la genèse du dessin demeure entière et, tout environnés que nous sommes par les images, nous avons perdu de vue que cette invention est un prodigieux saut de pensée. Synthétiser une forme ou un être vivant en quelques traits qui saisissent leur apparence est une opération intellectuelle d’une folle portée. Quel a pu être le désir, si patiemment poursuivi, qui a conduit à la naissance de cet art ? De la pensée qui s’est ainsi haussée jusqu’au dessin, peut-on reprendre le trajet ? Le geste du regard est l’hypothèse de son acheminement vers la figure.
Le dialogue entre Olivier Cena, journaliste, et Gérard Traquandi, peintre, s’ouvre à Venise, au cœur des merveilles de l’architecture italienne et à quelques pas du fourmillement de la Biennale d’art contemporain. Un semblable contexte, riche en significations esthétiques, sociales et politiques, est le point de départ d’une discussion libre qui aborde tour à tour les questions de la mondialisation et de la démocratisation de l’art contemporain, aussi bien que celle, déterminé par la problématique écologique, du rapport de la peinture à la nature, aux êtres et aux choses qui peuplent la terre.
« Il n’y a pas de commencement. Ce que l’on nomme l’œuvre n’a ni commencement ni fin, voilà ce que dit d’abord le peintre. » Ainsi commence sans commencer le dialogue en spirales entre l’écrivain Marc Le Bot et le peintre Leonardo Cremonini, Les parenthèses du regard que les deux auteurs avaient dédié à Gaëtan Picon. Repris en fac-similé, il est accompagné d’autres essais par lesquels Marc Le Bot tente d’approcher « l’irréductible énigme » de la peinture figurative et métaphysique de Leonardo Cremonini.
Dans la monographie qu’il a consacrée en 2016 à Frédéric Benrath, Pierre Wat notait très justement que la peinture est vécue chez ce dernier « comme un art épistolaire et amical ». Mais ce caractère « adressé » de l’aventure picturale de Benrath fut également prolongé – ou redoublé – par l’intense correspondance écrite dont il ne cessa de l’accompagner tout au long de sa vie. « Cette correspondance qui s’établit entre nous, écrit Benrath le 20 juillet 1975, ces lettres établissent vraiment une “correspondance” entre nos pensées affectives et nos idées sur les choses et les gens, sur l’art et la littérature. Cela est très important, tu le sais puisque tu réponds si bien ». Mais, comme le dira Michèle (ou Alice) dans une lettre du 29 décembre 1980, à un moment où elle prend un peu plus d’indépendance, « T’écrire, c’est aussi écrire » : le destinataire tend à disparaître et à être absorbé dans l’acte d’écriture auquel il a pourtant servi de point de départ.
Cet ouvrage réunit la correspondance du marchand d’art Pierre Matisse et du peintre Joan Miró, entre 1933 et 1983. Reflets d’une relation aussi bien professionnelle qu’amicale entre les deux hommes, les lettres échangées donnent une vision particulière du monde de l’art. Les déclarations d’amitié y côtoient les tensions entre marchands, les réflexions de l’artiste se mêlent aux évocations plus intimes. De la description des œuvres réalisées par Miró, jusqu’à la mise en place des expositions, les échanges retracent les différentes étapes d’une production artistique foisonnante qu’il faut défendre au mieux. Car pour permettre à Miró d’émerger aux États-Unis, Pierre Matisse le dit bien, il faut « ouvrir le feu ».
Tableaux de couples nus s’ébattant dans des cieux pastel. Sculptures copulatoires de corps en suspension dans l’air. Reliquaires présentant des figures d’anges sexués, armés de fusils mitrailleurs. Là-dessus, des vaisseliers, des autels domestiques, des oratoires… Visiter le « garde-meuble » de Jean Claus, c’est, d’évidence, s’aventurer dans l’inclassable. Car cet art, qui assume avec malice l’inactualité de ses sujets, puisés dans un répertoire qui serait celui des Métamorphoses, de la grande peinture des XVIe et XVIIe siècles et du premier romantisme, est en même temps on ne peut plus contemporain dans le choix de son principal matériau, la pâte polyester, et affirme de la sorte un sens du décalage tourné contre l’époque aussi bien que contre lui-même. Et de fait, face aux « amphigouris », écritures indéchiffrables reportées sur le socle des statues, face aux titres abracadabrantesques des tableaux, face, surtout, à l’ironique légèreté de cette œuvre, c’est au tour du spectateur d’en perdre son latin.
En 2008 le peintre Farhad Ostovani découvre une sculpture de Bacchus dans un jardin à Nervi — bien que fort endommagée, c’est un émerveillement pour l’artiste qui réalisera une suite de plus de 40 œuvres : des portraits de ce jeune homme peints et dessinés sur une base photographique.
Cet ouvrage réunit l’ensemble des œuvres réalisées, ainsi que, en sus d’un texte de l’artiste contant son rapport à ce Bacchus, deux essais d’Alain Lévêque et Madeleine-Perdrillat.
Datés des années 1927 à 1946, les vingt agendas de Pierre Bonnard qui nous sont parvenus couvrent presque, au jour le jour, les vingt dernières années de sa vie. Ils offrent donc un éclairage jusqu’à présent inédit sur la recherche quotidienne d’un peintre en sa dernière maturité. En regard du relevé bref et assidu du temps qu’il fait, de la qualité de la lumière et des lieux visités, Bonnard, inlassablement, dessine au crayon de papier ce qu’il voit, silhouettes, visages, gestes, objets, paysages. Autant d’esquisses qui préfigurent les motifs et la composition de certaines grandes peintures.
Le dessin c’est la sensation. La couleur c’est le raisonnement. Si cette observation de l’artiste nous renseigne sur une méthode qui s’alimente aussi bien aux visions les plus soudaines qu’au lent travail de l’atelier, le présent livre constitue bien une révélation.
Recueil complet des essais du poète Yves Bonnefoy sur le peintre Alexandre Hollan : 30 ans de réflexions.
« Se pourrait-il qu’un événement soit ce moment si singulier qu’il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d’autres moments […] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? »
C’est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d’une Vierge de l’Annonciation, à la fin du XVe siècle.
Récit d’une fascination et exploration d’une obsession, le texte de Yannick Haenel nous plonge dans la sollicitation invincible des nus peints par Pierre Bonnard. S’immergeant quotidiennement dans leurs couleurs, contemplant et comparant d’un œil altéré la vibration salutaire de leurs tons, l’auteur « perfectionn[e] [sa] soif ». De cette rencontre se libère l’écriture parmi la multiplication entêtante des corps qui étincellent.
À qui pense qu’on n’a plus grand-chose à voir ni à apprendre des peintures de Claude Monet, trop vues, trop interprétées, le court récit de Stéphane Lambert démontre le contraire. Il se donne à lire comme une tentative de regarder l’œuvre du peintre de Giverny depuis notre présent tragique : celui d’une « ère nucléarisée », d’un « champ de ruines à l’approche d’un possible anéantissement », d’un « après-paysage ». Dès lors, peut-être pourrons-nous entrevoir « dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur ».
« Peintre du lointain intérieur s’il en est », Édouard Manet incarne aux yeux de Gérard Titus-Carmel une déchirure étrangement féconde du rapport moderne au monde. Retiré dans la nuit de son être, dans ce que Georges Bataille nommait « une indifférence suprême », le peintre lave le monde qu’il représente de toute interprétation pathétique. Mais c’est pour le rendre à son étrangeté fascinante, pour ouvrir « sur un état du monde bien plus énigmatique qu’il n’y paraît ».
Les « photographes bruts », selon Michel Thévoz, ont pour particularité de rater leurs clichés chacun à sa manière – et c’est un ratage réussi, qui met en évidence le fonctionnement de ce formatage culturel de nos images et, consécutivement, de notre perception.
Un sentiment qui tient le mur donne l’impression de se trouver derrière l’épaule de Pierre Bonnard, à lire ce qu’il notait et griffonnait quotidiennement dans ses carnets. Ce volume rassemble des propos extraits de ses pages d’agendas couvertes de dessins, de remarques sur le temps qu’il fait, de brèves notations sur son art, mais aussi ses textes sur la peinture et sur Maurice Denis ou Auguste Renoir, ainsi que ses entretiens. Sa parole visait la fulgurance, comme son regard visait à retrouver la « vision brute », la « vision animale ». (Préface d’Alain Lévêque)
« Nous aurons à nous arrêter souvent devant l’inconnu » : c’est par ces mots que Rainer Maria Rilke résume son rapport aux œuvres de celles et ceux dont il se sentit proche : Auguste Rodin et Paul Cézanne qu’il découvrit à Paris, mais aussi Heinrich Vogeler ou Paula Modersohn-Becker, qu’il fréquenta au sein de la communauté de Worpswede. Ce volume, avec sept textes inédits en français, rassemble pour la première fois ses écrits complets sur l’art et sur la « vie nouvelle » qu’il annonce. (Préface de Henri-Alexis Baatsch, traductions de Bernard Lortholary et Maurice Betz)
Malgré l’absence de vestiges, les plus anciens tatouages conservés de corps momifiés datant de 3000 ans avant J.-C., plusieurs indices semblent accréditer l’idée que l’homme a pris son propre corps pour premier support de la peinture. De cette pratique originelle, on peut, observer des résurgences jusque dans les mouvements contemporains du Body Art et du Transvestisme.
Dans la dernière édition de L’origine des espèces (1856) Charles Darwin s’interroge sur la nature du sentiment de la beauté. Le temps a passé et la réponse à la question que se posait Darwin semble de plus en plus échapper à la philosophie et à l’esthétique pour devenir l’affaire de l’anthropologie, des naturalistes et de la sociologie. En matière d’art, la fin des prétentions de l’universalisme européen et celles aussi de « l’exception humaine » (J-M. Schaeffer) renouvellent les questions concernant l’origine de nos conduites esthétiques : quand et comment sont-elles apparues ; quels en sont les moteurs ; sont-elles exclusivement humaines… ? Si les pratiques contemporaines depuis une quarantaine d’années ne rejettent plus l’idée de beauté plastique, elles y sont parfois (souvent) indifférentes comme si cette notion qui a longtemps dominé l’art était marginale. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Beautés ouvre donc l’enquête en interrogeant artistes et penseurs dans le but de documenter les enjeux.
Depuis deux siècles l’histoire de l’art occupe le passé, elle ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et finit par cautionner les valeurs du marché. Face à l’histoire l’artiste et l’amateur d’art, manquant d’autorité et de statut, sont souvent démunis.
Qu’en est-il aujourd’hui de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs ? Une telle hiérarchisation des pratiques artistiques entre high and low a-t-elle encore un sens ou bien doit-on désormais considérer que le temps d’une création libre, sans bornes ni entraves est venu, que l’art est un tout au sein duquel chacun est libre d’aller et de venir comme bon lui semble ?
Derrière cette question qui agite l’art contemporain depuis quelques décades se cachent de nombreux enjeux économiques, sociaux et bien sûr esthétiques qui apparaissent à la fin du XIXe siècle et se développent tout au long du XXe. L’étude de ces enjeux montre que l’esprit libertaire qui prétend faire tomber les barrières est autant porteur d’émancipation que d’une idéologie libérale.
L’usage actuel du terme de chef-d’œuvre semble paradoxal. On le voit dénié par la réalité de l’art, qui procède d’un travail produisant des pièces par séries ; décrié par l’époque, qui le rejette comme une notion anachronique, sinon antidémocratique ; dévoyé par le marché, où il s’emploie pour désigner celui des travaux d’un artiste qui se vend le plus cher – et néanmoins, il subsiste à l’état de boussole, de nec plus ultra, d’expérience esthétique suprême : jamais les toiles de maîtres n’auront vu défiler autant de spectateurs.
À partir de ce constat, Éric Suchère et Camille Saint-Jacques proposent chacun un essai, sous un titre – Le Chef-d’œuvre inutile – qui se veut moins provocant que problématique. Car s’il s’agit bien ici d’interroger ce qu’on pourrait nommer un déclin du chef-d’œuvre, on ne trouvera en ces pages nulle déploration de principe. Non pas céder, donc, à une dépréciation massive des tendances contemporaines, mais forger les critères qui permettront de les comprendre et d’en apprécier l’opportunité.
Ce livre évoque le roman picaresque, il n’y a pas d’autre mot, de La Délirante et de ma vie, c’est tout un, et de l’amitié créatrice qui m’a lié à tant de poètes et de peintres, à Sam Szafran surtout, le temps de cette aventure.
L’escalier de la rue de Seine que je l’avais engagé à dessiner et peindre, avant qu’il s’y mît pour n’en plus sortir, comme du songe d’une ammonite, marqua l’acmé de notre amitié et de son œuvre. J’ai tenté jusqu’au bout de l’arracher à la tentation de l’escalier, mais elle était si forte qu’il resta captif de ses déclinaisons jusqu’à sa mort. [F.E.-E.]
Au milieu des années 1990, Jean-Pierre Ritsch-Fisch a abandonné l’entreprise familiale de fourrure, pour fonder à Strasbourg une galerie consacrée à ce que Jean Dubuffet appela l’Art Brut. Un retour à ses amours d’adolescence : le monde de l’art et ses sensations fortes, s’impose à lui. Débutant à la manière d’un conte, s’apparentant ensuite, tantôt à un roman d’aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L’Art Brut et le Marchand relate ce périple singulier.
En 1874, un groupe de peintres dissidents expose ses œuvres en marge des circuits officiels. Un critique invente par dérision le mot « impressionnisme ». Cet événement est considéré, à juste titre, comme l’une des étapes initiatrices de l’art moderne. Avec ces expositions, l’écosystème de l’art contemporain se met alors en place : recherche du scandale, intervention monopolistique d’un marchand, union opportuniste des plasticiens et des écrivains d’avant-garde.
Cet ouvrage s’appuie sur une documentation de première importance et met en avant propos et témoignages de « premières mains » qui révèlent pour la première fois la stratégie des artistes. Les échos avec notre époque contemporaine sont multiples et pour le moins surprenants…
"Voici un lieu où tout était vivant, jusqu’au désastre et à la mort même. Malgré un dénuement extrême, il semblait enchanteur. Il enchanta en effet ceux qui le vécurent, un couple d’artistes minutieux et visionnaire, Dado et Hessie, leurs enfants, leurs amis, la volaille, les chats et tous ces animaux que l’on dit sauvages autour de l’étang. Par le regard du fils, nous voici au cœur vécu d’une œuvre intime, bouleversante et belle, juste et inquiétante." (Germain Viatte) Dado, le temps d’Hérouval suit les traces de l’artiste dans sa vie quotidienne, retiré dans un hameau de l’Oise.
Parcelle 475/593 saisit le sentiment de fascination qu’on peut éprouver dans les lieux que nous habitons autant qu’ils nous habitent, lorsqu’on est soudain illuminé par la persistance de leur étrangeté fondamentale. Le livre porte le nom d’une parcelle, d’un jardin que le photographe Stéphane Spach explore depuis l’enfance, traquant l’inconnu des lumières changeantes et des existences non-humaines. Un texte de Jérôme Thélôt – Orphée photographe – accompagne les photographies.
Stéphane Spach glane et collecte : encriers brisés exhumés des tranchés de la première guerre, ossements dispersés et crânes d’animaux sous plastique issus de collections zoologiques, fleurs et feuilles fanées qui semblent des reliques d’un jardin perdu... Toutes ces choses sont offertes au regard des lecteurs de cette vaste monographie, en même temps que rendues à leur silence troublant.
Conversation tardive, toujours tardive, toujours repoussée vers la fin d’un temps qui n’arrive pas. Ce livre témoigne de ce temps qui ne finit pas, et dont seule la photographie est capable d’en saisir les prémisses : « La photographie, est-il écrit en fin d’ouvrage, s’effaçait devant l’opacité du temps, devant l’énigme. Ce qui me troublait, c’était autant la disparition que l’apparition. Je croyais que c’était l’énigme de la photographie, c’était l’énigme de la vie . »
CE QU’IL AURAIT FALLU évoque des personnes ou des événements politiques, sociaux, culturels, sportifs connus qui sont, parmi d’autres, des symptômes exemplaires de ce qui ne va pas dans notre monde actuel. Le texte, par sa forme litanique, explore un champ mitoyen du « Je me souviens » de Perec. Collecter quelques bassesses de ceux qui nous gouvernent ; mais aussi nos indifférences ou nos tolérances coupables dans le champ du quotidien.
Un jour ou l’autre, nous éprouvons ce que des millions de personnes ont éprouvé avant nous. Nous nous effaçons dans
un silence sans âge. Le même, peut-être, qui envahit le peintre vénitien Tiziano devant sa Vénus D’urbino ; le réalisateur italien Ettore Scola, au crépuscule de sa vie ; Liliane, l’héroïne d’un film de Jacques Rozier, au milieu d’une danse d’été.
Ou bien nous demeurons aussi glacés que quiconque devant l’image de l’horreur nazi.
Ce livre, se veut d’abord un inventaire des silences qui nous saisissent un jour ou l’autre, en tant que disciple, père, mère, enfant, amant, humain.
Ensuite, il sera question de musique. D’une seule musique.
Cela vient des rêves, mais plutôt de ces moments où on rêve dans la ville.
Une silhouette, une architecture, un fou.
Ou notre propre malaise, ou l’incompréhension de ce qui se passe, où on va et pourquoi.
Collectionner ces moments. Aller au bout de ce qu’ils désignent.
Des fictions naissent, notes sur les hommes à repousse, notes sur les hommes instables, notes sur les hommes avec trop d’immobilité, notes sur les hommes porte etc, 48 fois.
La surprise aussi de l’intervention d’un prestidigitateur : c’était le premier texte, en fait, notes sur ce fameux prestidigitateur, sans savoir qu’il reviendra 5 fois pour nouer les récits.
Parfois, on se dit qu’on est au fond du trou.
Et si c’était vrai ?
Si on se trouvait soudain au fond d’un trou opaque et noir, dans une absolue solitude ? Un trou bien réel mais tout à fait inexistant, un trou comme une grotte originelle, une matrice sans forme, une oubliette ? Comment alors s’orienter, respirer, désirer, comment penser, comment se retrouver ? Et comment, avec pour seuls outils cervelle et corps, comment faire pour en sortir ?
« Que lisez-vous ? »
Alexandre Hollan
Jérémy Liron
Clémentine Margheriti
Gérard Titus-Carmel
« Pourquoi écrivez-vous sur l’art ? »
François Dilasser
Alexandre Hollan
Ann Loubert
Monique Tello