Antonello de Messine. Une clairière à s’ouvrir

« Se pourrait-il qu’un événement soit ce moment si singulier qu’il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d’autres moments […] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? » C’est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d’une Vierge de l’Annonciation, à la fin du XVe siècle.

Date de publication : 18 octobre 2024
Format : 12 x 15,5 cm
Nombre de pages : 104
ISBN : 978-2-85035-169-3
Prix : 16 €

De l’Annonciation, pourtant, le peintre sicilien ne représente rien – en tout cas rien de ce qui, dans la tradition, permet habituellement sa lecture : nulle colombe, nul ange surgi des espaces divins, ni la moindre trace narrative dans ce tableau de la Renaissance italienne. Au lieu de cela, un simple portrait de Marie, élue parmi toutes les femmes pour mettre au monde le Fils de Dieu. Cette mise au monde porte avec elle tout le mystère de l’Incarnation – du passage de la divinité transcendante à la vie terrestre. Voici l’événement indicible, édifiant, prêt à bouleverser une civilisation.

Ainsi, deux vertiges qui se répondent : le mystère de l’Incarnation et celui de son impossible représentation. À cette frontière où se rejoignent le mondain et le divin, où l’ubiquité s’affirme dans le lieu terrestre, où l’éternité rencontre le temps de l’homme, tout est à repenser au-delà des rapports logiques qui régissent la raison commune.

À partir du tableau exceptionnel d’Antonello de Messine dont il interroge la fascinante énigme, aidé en cela par les propos de théologiens, poètes ou penseurs, Franck Guyon nous mène au cœur de l’ineffable, de l’inénarrable, du retentissant silence qu’exige paradoxalement la vérité d’un épisode sans pareil. S’émerveillant de ce tableau dont la force est à la mesure du dénuement – condition même de la possibilité de manifestation de l’invisible – il nous plonge dans l’événement fondateur, qui ne fait qu’un avec celui du passage de la représentation à la présence : miracle parfaitement digne de l’Annonciation.

Les auteurs

Fondateur des éditions Marguerite Waknine avec Séverine Gallardo en 2007, Franck Guyon est l’auteur de nombreux ouvrages dont : Et la poussière aux vents a des allures de jouet (2022) aux éditions Le Realgar, Stabat mater (2018), Deux passagers sur le pont du monde. Heinrich von Kleist et Rainer Maria Rilke (2017) ou encore Chez (2013) aux éditions Marguerite Waknine.

Extraits

« Peut-être est-il possible, d’une manière ou d’une autre, de représenter l’invisible. Mais le présenter ? En rendre la présence ? Comment présenter, rendre visibles un ange, le Saint-Esprit ?
Ce dont on ne peut parler, il faut le taire, dit le propos de Wittgenstein. En ce sens, il pourrait être déclaré : Ce qu’on ne peut rendre visible, il faut le laisser invisible. »

*

« Délibérément, cette œuvre fait la part la plus belle à ce nulle part, cet invisible, dont cette Annonciation est le reflet, est le visage.
En repoussant hors champ les éléments traditionnels des Annonciations peintes (ange et colombe, fil d’or du Saint-Esprit, et tout le reste avec), en rejetant hors champ ce qui pourrait nous divertir, nous égarer, préférant tout remettre au champ de l’invisible afin que soit comme révélé le lieu au cœur duquel l’invisible puisse trouver par où sourdre, puisse trouver à sourdre.
Peut-être, ainsi, cet invisible, qui ne peut d’aucune façon prendre corps, trouve-t-il moyen de se manifester dans cette manière qu’il a de s’absenter, de se retirer, comme si cette présence ne pouvait se manifester que par ce retrait, que par cette présence en absence, qu’en eux, qui constitueraient par là même un accueil à la source de l’invisibilité. »

Phalènes

« Le papillon – particulièrement le phalène, ce papillon nocturne qui se glisse par la porte entrouverte, danse autour de la lumière et finit par s’y précipiter, s’y consumer – semble bien l’animal emblématique d’un certain rapport entre les mouvements de l’image et ceux du réel voire d’un certain statut, instable il va sans dire, de l’apparition comme réel de l’image. »
Georges Didi-Huberman

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