Tractatus Solitarius. Le retour du Loup des steppes

Écrit en résonance au Loup des steppes d’Hermann Hesse, ce traité de solitude donne voix aux confins sauvages, aux régions souterraines, à la part non-humaine de l’homme. Celui qui parle ici en disant Je cherche à se perdre, non dans l’étourdissement du monde, mais dans un silence primordial. Faisant retour sur lui-même, il s’engage sur une voie qui se perd en chemin et aboutit nulle part, antipode antérieur au moi, zone ignorée de l’être, point absolu, degré zéro – paysage intérieur où nous attendent des forces inusitées.

Date de publication : 12 avril 2019
Format : 14 x 22 cm
Poids : 310 gr.
Nombre de pages : 96
ISBN : 979-10-92444-85-8
Prix : 20 €

De l’aveu même de Pierre Cendors, Le Loup des steppes d’Hermann Hesse est le roman qu’il relit le plus souvent. En 2016, l’idée lui vient d’écrire l’histoire de l’un de ses personnages centraux, jamais nommé, dont on ignore presque tout. Cette entreprise aboutira à deux textes publiés en parallèle : Silens Moon, roman qui paraît aux éditions du Tripode, et l’inclassable Tractatus Solitarius.
Bien qu’empruntant sa forme à la tradition du traité logique, l’ouvrage, qui se situe plutôt dans la filiation de certains écrits de Nietzsche ou des Feuillets d’Hypnos de René Char, constitue une série d’aphorismes poétiques reliés entre eux par une trame narrative : un homme qui dit Je embarque de nuit à bord de L’Absoluble, navire lancé dans une direction inconnue. La progression point par point du traité vise dès lors à suivre pas à pas un cheminement symbolique, à restituer l’exploration systématique d’une terra incognita.
Ces domaines inexplorés sont les tréfonds intérieurs de l’homme, ce réservoir de forces primitives, inusitées, reléguées à l’arrière du jeu social, par lesquelles l’individu, touchant en quelque sorte à l’extérieur par le plus intérieur, s’ancre intimement dans l’universel. La relation de l’homme au monde, nous dit le narrateur, est altérée par sa façon de vivre comme individu parmi d’autres individus ; pour la restaurer, il lui faut remonter en solitaire à la source de son être, là où, encore indifférencié, il touche encore à l’absolu.
Héritier d’un romantisme radical, le Tractatus solitarius est une exhortation à rallier l’universel par les voies de la solitude la plus conséquente. Un acte de poésie rare.

PRÉSENTATION DU TEXTE PAR SON AUTEUR :

L’homme ne suffit pas à orienter l’homme, murmure en nous la voix sauvage. J’aime les routes qui se perdent en chemin, répond le Loup des steppes, qui nous avertit : Ici, sache t’effacer ou retourne sur tes pas, renonce ou viens te fondre secrètement dans l’ouvert.
Dans ce bref traité du solitaire, écrit en résonance au roman d’Hermann Hesse, il s’agit de ne plus tirer loi que d’une obédience au plus vivant. Écouter la pulsation ancestrale du présent.
Il n’y a pas de début, pas de fin, nous prévient le narrateur. Seulement un voyage au long cours, tout un périple dans les Hautes-Terres intérieures de l’homme.

Les auteurs

Franco-irlandais, né en 1968, Pierre Cendors s’attache, de livre en livre, à capter un langage poétique, plus ancien et plus vivifiant que la parole, un langage qui n’est pas seulement humain, mais ouvert à la vie élémentaire, au terrestre, à l’écoute d’une primordialité ardente, qui est à l’homme ce que les espaces sauvages sont à l’animal. Il vit en Tchéquie. Il est l’auteur de romans (derniers titres parus : L’Homme-nuit, Quidam, 2023 ; L’Énigmaire, Quidam, 2021 ; Silens Moon, Le Tripode, 2019 ; Vie posthume d’Edward Markham, Le Tripode, 2018 ; Minuit en mon silence, Le Tripode, 2017), de récits (L’Invisible dehors, Isolato, 2015), de nouvelles (Exil Exit, La Part commune, 2014) et de poèmes (Les Hauts Bois, Isolato, 2013).

Née en 1955 à Montreux (Suisse), Christine Sefolosha est issue d’une grande famille d’origine allemande à la grand-mère fantasque et romanesque. Enfant, sujette aux insomnies, elle trouve refuge dans le dessin. À l’âge de vingt ans, elle épouse un Sud-Africain et part habiter le « felt » de Johannesburg. Travaillant régulièrement le dessin et la peinture, elle décide de rompre avec cette vie aisée et hypocrite, et va habiter (en 1982) dans le quartier de Kensington (quartier pauvre de Johannesburg) avec un musicien noir. Du fait des lois de l’apartheid, elle rentre en Suisse en 1983 où elle s’installe définitivement. En 1986, elle suit, durant quelques mois, des cours académiques à l’Art Center College de la Tour de Peilz, mais c’est le chemin parcouru pendant ces huit années (1975-1983) en Afrique qui aura fortement marqué son écriture. Christine Sefolosha expose depuis 1988 régulièrement en Suisse. Ses œuvres ont été montrées en Europe et aux États-Unis. [Le site de C. Sefolosha]

Presse

Articles de :
Patrick Corneau (« Le lorgnon mélancolique »)
Sébastien Omont (« En attendant Nadeau »)
Marc Verlynde (« Viduité »)

Lecture par Barz (« Addict-Culture »)

Extraits

1. Nul n’est attendu ici. Personne.

2. Ceci n’est pas une ultième histoire, une confidence ni un aveu, mais une parole. Une parole en venance des hautes solitudes intérieures, d’une autreté de l’être qui apparaîtra sauvage, sinon hostile, parce que rien en elle n’accommode un public.

3. Nul n’est attendu ici. Personne. Que celui qui, cependant, s’aventure jusque-là veuille bien écouter ce que le Loup des steppes lui intime en silence : Sache t’effacer ou passe ton chemin. Retourne sur tes pas, renonce, ou viens te fondre secrètement dans l’ouvert. Cela ne coûte que la raison.

*

14. Chaque homme voit le jour quelque part, peu importe où, sur une île, dans un village ou une ville, mais sa véritable naissance, s’il ne meurt avant, a lieu plus tard dans sa vie. Elle a lieu en lui, autrement dit : nulle part. Nous y sommes. Où ça ? Nulle part. Précisons-le : ni en un autre monde ni en une psychose, nulle part, ici, à l’intérieur de nous-mêmes mais aux antipodes de notre moi, ici, à ses confins où l’homme que nous prétendons être ne joue aucune part en celui que nous sommes originairement.

15. C’est là, dans ce fond le plus inaccessible de l’être, à ce degré zéro d’une internité où les pensées, mais non l’esprit, meurent d’asphyxie, que nous demeurons insaisissables à autrui comme à nous-mêmes. C’est là, observait Ernst Jünger, qu’on sent à quel point on est peu chez soi en soi-même.

16. Voilà sans doute pourquoi la majorité des hommes préfère vivre à peu près n’importe où sauf nulle part, pourquoi la plupart recherchent la compagnie d’autrui, voire se contentent de leur propre fiction, pourquoi, enfin, ils vivent, adossés à ce vacuum immense en eux plutôt que de le confronter dans un corps-à-corps dont ils devinent, à juste titre, qu’ils auront le dessous.

*

33. C’est ici l’arrière-pays d’un sauvage recueillement, et le site d’un nulle part du monde, qui oriente les migrations silencieuses de notre être. En ce lieu, il ne s’agit pas de vivre ce qu’on est mais d’être ce qu’on est, écrit Karlfried Graff Dürckheim. Et de préciser : Chacun de nous est habité par cette loi du devenir et dé-devenir.

34. En ce lieu, chaque mouvement est une métamorphose, chaque non-mouvement, un reploiement vital sur une profondeur. On laisse la vie accomplir là sa mue dans l’être. On fructifie et s’allège de tout ce qui meurt en nous. On y aiguise la lame blanche de l’esprit qui servira à écorcer et affiler la flèche d’une vision.

35. La steppe est, par excellence, un creuset de la vision. Sa monotonie dégrise, sa vastitude évide. L’archet, vif et sifflant, du mental trouve là, en s’étirant, la longue note sourde du diminuendo steppique. C’est un paysage presque sans paysage, une ténuité du visible qui n’atténue pas l’acuité du regard mais, au contraire, l’intensifie secrètement.

Feuilleter… Tractatus Solitarius

Littératures

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