Ensemble de quatre-vingt-dix haïkaï inauguré et clos par deux poèmes en vers libre, « Bruire », septième recueil de Daniel Blanchard, est un album d’instants ténus où convergent l’immédiat et lointain, la présence et le deuil, l’intimité de la pensée et l’ouverture de l’espace. 6 portraits d’un arbre, créés spécialement par le peintre Farhad Ostovani, ornementent le livre.
Des quatre-vingt-dix haïkaï de Bruire émane une parole ténue.
Sous cette forme délicate, concise, issue de la tradition japonaise, la poésie de Daniel Blanchard est moins parole qu’écoute. Elle laisse circuler le murmure des arbres et des rivières – les deux thèmes du recueil –, le frémissement qui naît dans la pensée à l’entente des choses simples.
« Voici deux choses de notre monde, souvent choisies parmi les plus communes ; elles deviennent deux jambages de porte réunis par un linteau invisible, entre lesquels il n’y a plus que pure ouverture : ni clef, ni péage, ni contrôle » : les lignes que Philippe Jaccottet consacraient hier au haïku s’appliqueraient aussi bien au mouvement discret de ces poèmes, où l’éphémère – visage, regard, émotion – se cristallise sans se figer.
« Maquettes d’instants », disait Ponge de la poésie de Daniel Blanchard. Instants vécus, instants possibles – moments de présence, passé, deuil –, existence ralentie de l’arbre, écoulement de la rivière… C’est ce souci du temps qui affleure dans les pages de Bruire. Il ne s’agit pas de durer ou de s’appesantir, mais de trouver une qualité de présence et d’écoute, d’accoupler la mesure du poème aux mesures du proche et du distant.
Ouvrage publié avec le concours du CNL.
Les auteurs
Daniel Blanchard (1934-2024). Après des études d’histoire à la Sorbonne, il contribue à la revue du groupe Socialisme ou Barbarie. Il publie des poèmes dans la revue L’Éphémère avant de publier un premier recueil, Cartes, au Mercure de France en 1970.
Imprimeur dans les années 1970 puis traducteur à partir des années 1980, il continue d’écrire ; il publie des recueils de poésie mais aussi des essais et des romans.
Entre 2005 et 2008, il participe à plusieurs colloques sur Cornelius Castoriadis.
Farhad Ostovani est né dans le nord de l’Iran, à Lahijan, en 1950. Il commence à peindre à l’âge de douze ans. Il entre en 1970 au département des Beaux-Arts de l’Université de Téhéran avant d’intégrer l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris cinq ans plus tard, après sa première exposition en 1973 à l’Institut Français de Téhéran.
En 1994, il se lie d’amitié avec Yves Bonnefoy et Bernard Blatter et s’intéresse aux éditions. Il reçoit en 2014 le Grand prix de bibliophilie (prix Jean Lurçat) de l’Académie des Beaux-Arts pour We talked between the rooms, poésie d’Emily Dickinson traduite par Yves Bonnefoy. Son site Internet.
« Et les œuvres de Farhad dans les premiers temps de son travail à Paris sont elles-mêmes la preuve que son regard de peintre n’était alors nullement requis par l’aspect extérieur des choses, couleurs et formes, jeux des couleurs dans les formes, dissolution du souci de l’être dans celui de la composition du tableau, comme ce fut le cas à travers l’histoire de l’Occident chez tant de peintres même paysagistes. Mais ce qu’il faut remarquer aussi, c’est qu’elles montrent que le risque que je disais presque fatal quand on cherche à signifier la présence comme telle existait bien aussi chez ce jeune peintre. » Yves Bonnefoy
Presse
Articles de Philippe Chauché (« La cause littéraire ») ; Jean-Paul Gavard-Perret (« Le salon littéraire » ; « Carnet d’art ») ; Tristan Hordé (« Sitaudis »).
Des avis de lecteurs sur le site Babelio.
Extraits
Bouche d’ombre des bois...
Sur l’orée du sommeil profère
le mot de mes hantises.
La rivière lissant
à jamais ta chevelure :
ta vie silencieuse.
Entre deux bras d’eau vive,
ton visage a trouvé le calme
au fond de ma mémoire.
Je regarde ton corps
comme si je n’étais pas là :
une étoile filante.
Le couchant sur le lac...
Pas à pas tu coules dans l’ombre.
Mot à mot, je t’oublie.
Bientôt, tes derniers pas,
bientôt, arbre, tu étreindras
la terre insatiable.
À l’écoute de l’arbre
j’ai entendu ma voix s’éteindre
sur ces mots : ‘Ici, fin’.
Le soleil de l’été
feuille après feuille, tombe à terre.
Sur le papier, ces mots.