Écrits d’artistes

Recueil complet des écrits sur l’art (1971-2015) du peintre GTC. Plus de trente années de réflexions sur l’art sont ainsi assemblées, depuis ses premières « notes d’atelier » jusqu’à ses écrits récents consacrés à des peintres proches (JP Pincemin, E. Leroy…). Ses ouvrages sur la gravure, sur Chardin, sur Munch sont aussi repris, ainsi que les entretiens qu’il donna tant à la presse spécialisée qu’à des magazines d’art. Préface de Roland Recht.

Cet ouvrage réunit pour la première fois 23 entretiens réalisés au long de quatre décennies avec l’artiste monténégrin Miodrag Djuric, dit DADO (1933-2010), établi en France à partir de 1956, très tôt repéré par Jean Dubuffet et Daniel Cordier, son premier marchand. Artiste complet s’il en est, Dado livre ici une parole véritablement plastique, s’emparant de la langue avec une puissance créatrice hors du commun, comme il s’emparait de chaque médium : dessin, peinture, gravure, collages, décors d’opéra, sculpture, installations in situ, œuvres numériques. Accompagnant cette parole d’un appareil scientifique conséquent, l’ouvrage dresse le portrait d’un homme singulier, qui se présentait volontiers comme un « exilé volontaire » et livre les clés de compréhension indispensables pour appréhender son œuvre – une œuvre souvent mal comprise, consacrée au vivant, « creuset d’une palpitation passionnelle jamais lassée » (Anne Tronche).

Au sommaire, de brefs textes d’hommages à Renoir, Odilon Redon, Signac, des réponses à des enquêtes comme en faisaient les revues d’art de l’entre-deux-guerres (sur « la peinture française d’aujourd’hui » ou « les problèmes de la peinture ») ou encore des propos rapportés par des journalistes et visiteurs de ses ateliers à Deauville ou au Cannet.
Enfin, est réédité pour la première fois un ouvrage composé par Bonnard, durant la guerre, de textes et de dessins : « Correspondances ». Un recueil de souvenirs déterminants. Bonnard l’a conçu sous la forme originale de lettres manuscrites et illustrées

Ces entretiens avec le peintre Sam Francis (1923-1994) sont issus de longues conversations tenues en 1985 et 1988, avec Yves Michaud, philosophe et critique d’art.

| 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 |

Essais sur l’art

La découverte des peintures de la Préhistoire s’est accompagnée du sentiment très puissant d’assister à une apparition. Cet enchantement a culminé avec la grotte de Lascaux puis avec celle de Chauvet, mais l’éblouissement qui continue d’envelopper les peintures laisse sur nos yeux une taie, semblable à un point aveugle, qui ne s’est toujours pas dissipée. Il est vrai que les préhistoriens ont concentré leur attention, non sur ce geste si novateur de rendre visible le monde sous la forme de figures, mais sur les usages supposés de ces premières images : être un passe-temps décoratif ou une tentative d’infléchir le succès de la chasse par « la magie sympathique » ; représenter une mythologie, faite de couples d’animaux incarnant une conception sexuée du monde ou encore, être un rituel chamanique de contact religieux. Mais la question de la genèse du dessin demeure entière et, tout environnés que nous sommes par les images, nous avons perdu de vue que cette invention est un prodigieux saut de pensée. Synthétiser une forme ou un être vivant en quelques traits qui saisissent leur apparence est une opération intellectuelle d’une folle portée. Quel a pu être le désir, si patiemment poursuivi, qui a conduit à la naissance de cet art ? De la pensée qui s’est ainsi haussée jusqu’au dessin, peut-on reprendre le trajet ? Le geste du regard est l’hypothèse de son acheminement vers la figure.

À travers quelques thèmes comme la politique, l’idiotie, le mauvais goût, le geste artistique, la légèreté, le rien, le pas grand-chose, l’expérience de l’œuvre, la littéralité… en passant par quelques grandes figures comme Guy Debord, Philip Guston, Cy Twombly, Vaslav Nijinsky, Robert Filliou, Niele Toroni, Richard Tuttle, Tony Smith ou Michel Parmentier, Éric Suchère tente de saisir quels sont les symptômes de notre contemporanéité – quitte à se plonger le plus lointainement dans l’art du passé – et de nommer, à l’aide de ces symptômes, ce syndrome que l’on appelle l’art contemporain afin d’en faire la critique pour aider à mieux définir sa diversité et sa complexité.

Dans ce livre, qui prend parfois les allures de « symphonie urbaine », Olivier Domerg nous invite à nous interroger sur « la sensation du lieu » et sur « le lieu comme
sensation ». Ce lieu, en l’occurrence, est une place ; et, comme toutes les places, un lieu « ouvert », par excellence, sur le paysage urbain, les rues, le ciel, les flux qui s’y croisent, et sur la ville elle-même, dont elle est souvent le centre. Lieu évidemment de passage, mais aussi de « rencontre » et de « retrouvaille », de « pauses » et de « flâneries ». Un endroit où la ville semble faire corps avec elle-même, se condenser et à la fois se déployer ; et où quelque chose d’un plan, d’une forme et d’un sens s’affirment. Se donnent à voir et à entendre.

Qu’est-ce qu’une œuvre ?
Essai, roman, promenade à travers le temps particulier de créations magistrales, L’Œil d’Hermès propose une vision neuve de la signification et plus encore du sens de l’imaginaire pictural.
Sous forme d’un dialogue entre deux personnages, l’histoire secrète de la peinture occidentale est étudiée afin de déceler les traces significatives de tableaux choisis pour leur potentiel mythique. Exemples chez Dürer, Uccello,, Tintoret, Titien, Poussin, Delacroix, Turner, Picasso…
Le regard mythique du messager Hermès déchiffre les signes cachés, consciemment ou non, par les artistes dans leurs œuvres majeures. Que signifie vraiment l’obsédante présence du berger, du cheval, de l’ange chez Giorgione, Poussin ou Tintoret ? Quelle étrange leçon veulent nous apprendre les Vénus au miroir et les Saint-Georges au dragon, le Christ mort et la Vierge à l’Enfant ? L’énigme ne cesse jamais. Tout créateur doit la reprendre à son compte. L’invisible se dévoile à l’ombre du visible. Grâce à cette alchimie des formes un fond secret se révèle. Elle est essentielle pour pénétrer dans les arcanes de l’art vivant d’hier et d’aujourd’hui.

| 1 | ... | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 |

Esperluette

Le dialogue entre Olivier Cena, journaliste, et Gérard Traquandi, peintre, s’ouvre à Venise, au cœur des merveilles de l’architecture italienne et à quelques pas du fourmillement de la Biennale d’art contemporain. Un semblable contexte, riche en significations esthétiques, sociales et politiques, est le point de départ d’une discussion libre qui aborde tour à tour les questions de la mondialisation et de la démocratisation de l’art contemporain, aussi bien que celle, déterminé par la problématique écologique, du rapport de la peinture à la nature, aux êtres et aux choses qui peuplent la terre.

« Il n’y a pas de commencement. Ce que l’on nomme l’œuvre n’a ni commencement ni fin, voilà ce que dit d’abord le peintre. » Ainsi commence sans commencer le dialogue en spirales entre l’écrivain Marc Le Bot et le peintre Leonardo Cremonini, Les parenthèses du regard que les deux auteurs avaient dédié à Gaëtan Picon. Repris en fac-similé, il est accompagné d’autres essais par lesquels Marc Le Bot tente d’approcher « l’irréductible énigme » de la peinture figurative et métaphysique de Leonardo Cremonini.

Dans la monographie qu’il a consacrée en 2016 à Frédéric Benrath, Pierre Wat notait très justement que la peinture est vécue chez ce dernier « comme un art épistolaire et amical ». Mais ce caractère « adressé » de l’aventure picturale de Benrath fut également prolongé – ou redoublé – par l’intense correspondance écrite dont il ne cessa de l’accompagner tout au long de sa vie. « Cette correspondance qui s’établit entre nous, écrit Benrath le 20 juillet 1975, ces lettres établissent vraiment une “correspondance” entre nos pensées affectives et nos idées sur les choses et les gens, sur l’art et la littérature. Cela est très important, tu le sais puisque tu réponds si bien ». Mais, comme le dira Michèle (ou Alice) dans une lettre du 29 décembre 1980, à un moment où elle prend un peu plus d’indépendance, « T’écrire, c’est aussi écrire » : le destinataire tend à disparaître et à être absorbé dans l’acte d’écriture auquel il a pourtant servi de point de départ.

Cet ouvrage réunit la correspondance du marchand d’art Pierre Matisse et du peintre Joan Miró, entre 1933 et 1983. Reflets d’une relation aussi bien professionnelle qu’amicale entre les deux hommes, les lettres échangées donnent une vision particulière du monde de l’art. Les déclarations d’amitié y côtoient les tensions entre marchands, les réflexions de l’artiste se mêlent aux évocations plus intimes. De la description des œuvres réalisées par Miró, jusqu’à la mise en place des expositions, les échanges retracent les différentes étapes d’une production artistique foisonnante qu’il faut défendre au mieux. Car pour permettre à Miró d’émerger aux États-Unis, Pierre Matisse le dit bien, il faut « ouvrir le feu ».

| 1 | 2 | 3 |

Squiggle

« Je recopie les notes que j’ai prises dans l’atelier du peintre, au fil de ma discussion avec Jean-Pierre Schneider. Je laisse çà et là émerger de nouvelles phrases qui s’invitent sur mes feuilles. Mes phrases sont le liant acrylique d’une peinture. Je décide de faire le portrait de Jean-Pierre Schneider. Je tente de peindre un livre en étalant la matière de ses mots. Je m’éloigne parfois ou bien je modifie l’angle de ma présence face à eux. J’apporte du silence. Souvent, ils n’ont pas besoin de plus. Ce n’est pas tant que Jean-Pierre parle bien de la peinture. Je crois qu’il parle bien de la vie. Et il se trouve que sa vie, c’est la peinture. » Christophe Fourvel

Morgane Salmon exprime son univers foisonnant à travers des céramiques colorées et exubérantes où les motifs naturels, ressaisis par l’imagination, se développent, s’organisent et saturent librement l’espace sculpté. Dans un mouvement de profusion organique qui dépasse la fonction utilitaire de l’objet, la frontière entre art et artisanat est brouillée : un élan jubilatoire donne vie à l’œuvre, accueillie et accompagnée avec simplicité par cette artiste inclassable qui en respecte la croissance sans la contraindre par la raison. « C’est comme ça » !

Contributions de Nadine Lehni et Daniel Payot. Entretiens de l’artiste avec Jean Jérôme.

Deux femmes raconte l’histoire d’une image qui, affleurant à la mémoire de l’artiste, ne cesse en même temps de se diffracter. Le livre de Farhad Ostovani donne à contempler une série réalisée à partir d’une intrigante photographie de sa mère et de sa grand-mère, photographie datant de son enfance iranienne. Retravaillant avec ses outils de peintre un certain nombre de photocopies de cet instantané sans prétention artistique, il en propose des « variations », quasiment musicales, qui approfondissent le mystère de ces deux présences, et de cet instant suspendu, qui semble s’être détaché du cours du temps.

Dans Guillaume Pujolle – La peinture, un lieu d’être, Blandine Ponet part sur les traces de Guillaume Pujolle (1893-1971) qui fut menuisier, douanier, mais aussi peintre. Il fut interné une grande partie de sa vie à l’asile de Braqueville, devenu l’hôpital Gérard Marchant, à Toulouse ; c’est de ce lieu qu’est partie Blandine Ponet, où elle-même a travaillé comme infirmière en psychiatrie. De là, elle tire les fils de la complexe destinée de l’artiste, ce qui l’entraîne aussi à se pencher sur l’histoire de la psychiatrie, du surréalisme, de l’art brut ou de la dévastatrice première guerre mondiale. Telle est sa manière de lutter contre « l’oubli, l’immobilisme, l’absence d’histoire, l’ordre et la routine ».

| 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 |

Phalènes

« Se pourrait-il qu’un événement soit ce moment si singulier qu’il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d’autres moments […] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? »

C’est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d’une Vierge de l’Annonciation, à la fin du XVe siècle.

Récit d’une fascination et exploration d’une obsession, le texte de Yannick Haenel nous plonge dans la sollicitation invincible des nus peints par Pierre Bonnard. S’immergeant quotidiennement dans leurs couleurs, contemplant et comparant d’un œil altéré la vibration salutaire de leurs tons, l’auteur « perfectionn[e] [sa] soif ». De cette rencontre se libère l’écriture parmi la multiplication entêtante des corps qui étincellent.

À qui pense qu’on n’a plus grand-chose à voir ni à apprendre des peintures de Claude Monet, trop vues, trop interprétées, le court récit de Stéphane Lambert démontre le contraire. Il se donne à lire comme une tentative de regarder l’œuvre du peintre de Giverny depuis notre présent tragique : celui d’une « ère nucléarisée », d’un « champ de ruines à l’approche d’un possible anéantissement », d’un « après-paysage ». Dès lors, peut-être pourrons-nous entrevoir « dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur ».

« Peintre du lointain intérieur s’il en est », Édouard Manet incarne aux yeux de Gérard Titus-Carmel une déchirure étrangement féconde du rapport moderne au monde. Retiré dans la nuit de son être, dans ce que Georges Bataille nommait « une indifférence suprême », le peintre lave le monde qu’il représente de toute interprétation pathétique. Mais c’est pour le rendre à son étrangeté fascinante, pour ouvrir « sur un état du monde bien plus énigmatique qu’il n’y paraît ».

| 1 | 2 |

Studiolo

Pendant les vingt dernières années de la vie de Giacometti, David Sylvester a développé avec lui une connivence profonde, posant pour lui, recueillant ses propos, préparant des expositions, respirant l’atmosphère de l’atelier de la rue Hippolyte-Maindron et des bistrots de Montparnasse où vivait l’artiste.
Son texte n’est pas le produit d’une théorie sur l’art mais le relevé d’une expérience unique : regarder les peintures et les sculptures se faire en écoutant ce qu’en dit celui qui les fait. Il a partagé cette émouvante quête de la perfection minée par l’obsession de l’échec qu’il relate avec brio. (Traduction de Jean Frémon)

Il est des livres de critique qui sont comme un apport versé aux œuvres. Le lecteur y devine le parti-pris d’une sensibilité ; il comprend que l’auteur y manifeste sa vision singulière et que celle-ci instille dans les tableaux un principe insistant, retient et accentue certaines de leurs tendances, dépose à leur surface le glacis d’un regard. Mais cette vision est si persuasive, elle se glisse si harmonieusement parmi les formes de la peinture, les épouse si bien et les sublime à un tel degré, en un propos qui a pour lui, plus encore que la conformité d’une description, la vérité d’une écriture – on pardonne à l’auteur cette sorte de partialité, et même on lui en est reconnaissant. L’Ingres de Gaëtan Picon est de ces livres-là. (Préface de François Lallier)

Ouvrage historique à plus d’un titre que celui que Georges Bataille consacra à Lascaux.
Dans ce livre paru en 1955, quinze ans après la découverte de la grotte, l’écrivain se propose de formuler une première synthèse philosophique qui vienne en quelque sorte unifier les relevés de la science. Procédant avec une nécessaire prudence, dans le tâtonnement d’observations progressives et d’hypothèses fragiles, complétées et rectifiées au fil des avancées de la recherche, ces spécialistes que sont les préhistoriens ne peuvent se permettre de prendre toute la mesure de leurs propres découvertes, explique Bataille ; c’est aussi ce qui les empêche de « célébrer » Lascaux comme l’un des sites, sinon le site même de la « naissance de l’art ». Cette tâche revient à la philosophie. En s’appuyant au garde-fou de la rigueur scientifique, décrire cette « aurore » de l’humanité, ce « miracle de Lascaux » qui supplante ce qu’on nommait jusqu’alors « miracle grec » : tel est en somme le but inédit que s’assigne Bataille. (Préface de Michel Surya)

« Avec Piero di Cosimo, l’incroyable est arrivé : grâce à Vasari, qui fut le premier et le dernier à le célébrer au XVIe siècle, les chercheurs et les historiens du XIXe et du XXe siècle ont tenté de reconstituer ce qui est resté de son œuvre dispersée et que l’on attribuait souvent à d’autres peintres. L’énigme a resurgi, mutilée mais impressionnante par sa singularité : les surréalistes ne s’y trompèrent pas, qui furent les premiers à lui rendre hommage. »
C’est dans cette lignée qu’il faut replacer l’essai d’Alain Jouffroy, premier livre français consacré à Piero di Cosimo. Abreuvé aux recherches des érudits, l’écrivain fait le choix de la subjectivité : « Je pleure, je ris, je veille et je suis sourd aux appels d’un homme extraordinairement ex-centrique, qui a situé le centre de tout hors de tous les cercles où pourrait subsister ce qu’on appelle un “centre”. »

| 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 |

Beautés

Dans la dernière édition de L’origine des espèces (1856) Charles Darwin s’interroge sur la nature du sentiment de la beauté. Le temps a passé et la réponse à la question que se posait Darwin semble de plus en plus échapper à la philosophie et à l’esthétique pour devenir l’affaire de l’anthropologie, des naturalistes et de la sociologie. En matière d’art, la fin des prétentions de l’universalisme européen et celles aussi de « l’exception humaine » (J-M. Schaeffer) renouvellent les questions concernant l’origine de nos conduites esthétiques : quand et comment sont-elles apparues ; quels en sont les moteurs ; sont-elles exclusivement humaines… ? Si les pratiques contemporaines depuis une quarantaine d’années ne rejettent plus l’idée de beauté plastique, elles y sont parfois (souvent) indifférentes comme si cette notion qui a longtemps dominé l’art était marginale. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Beautés ouvre donc l’enquête en interrogeant artistes et penseurs dans le but de documenter les enjeux.

Depuis deux siècles l’histoire de l’art occupe le passé, elle ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et finit par cautionner les valeurs du marché. Face à l’histoire l’artiste et l’amateur d’art, manquant d’autorité et de statut, sont souvent démunis.

Qu’en est-il aujourd’hui de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs ? Une telle hiérarchisation des pratiques artistiques entre high and low a-t-elle encore un sens ou bien doit-on désormais considérer que le temps d’une création libre, sans bornes ni entraves est venu, que l’art est un tout au sein duquel chacun est libre d’aller et de venir comme bon lui semble ?
Derrière cette question qui agite l’art contemporain depuis quelques décades se cachent de nombreux enjeux économiques, sociaux et bien sûr esthétiques qui apparaissent à la fin du XIXe siècle et se développent tout au long du XXe. L’étude de ces enjeux montre que l’esprit libertaire qui prétend faire tomber les barrières est autant porteur d’émancipation que d’une idéologie libérale.

L’usage actuel du terme de chef-d’œuvre semble paradoxal. On le voit dénié par la réalité de l’art, qui procède d’un travail produisant des pièces par séries ; décrié par l’époque, qui le rejette comme une notion anachronique, sinon antidémocratique ; dévoyé par le marché, où il s’emploie pour désigner celui des travaux d’un artiste qui se vend le plus cher – et néanmoins, il subsiste à l’état de boussole, de nec plus ultra, d’expérience esthétique suprême : jamais les toiles de maîtres n’auront vu défiler autant de spectateurs.
À partir de ce constat, Éric Suchère et Camille Saint-Jacques proposent chacun un essai, sous un titre – Le Chef-d’œuvre inutile – qui se veut moins provocant que problématique. Car s’il s’agit bien ici d’interroger ce qu’on pourrait nommer un déclin du chef-d’œuvre, on ne trouvera en ces pages nulle déploration de principe. Non pas céder, donc, à une dépréciation massive des tendances contemporaines, mais forger les critères qui permettront de les comprendre et d’en apprécier l’opportunité.

Constellations

Ce livre évoque le roman picaresque, il n’y a pas d’autre mot, de La Délirante et de ma vie, c’est tout un, et de l’amitié créatrice qui m’a lié à tant de poètes et de peintres, à Sam Szafran surtout, le temps de cette aventure.
L’escalier de la rue de Seine que je l’avais engagé à dessiner et peindre, avant qu’il s’y mît pour n’en plus sortir, comme du songe d’une ammonite, marqua l’acmé de notre amitié et de son œuvre. J’ai tenté jusqu’au bout de l’arracher à la tentation de l’escalier, mais elle était si forte qu’il resta captif de ses déclinaisons jusqu’à sa mort. [F.E.-E.]

Au milieu des années 1990, Jean-Pierre Ritsch-Fisch a abandonné l’entreprise familiale de fourrure, pour fonder à Strasbourg une galerie consacrée à ce que Jean Dubuffet appela l’Art Brut. Un retour à ses amours d’adolescence : le monde de l’art et ses sensations fortes, s’impose à lui. Débutant à la manière d’un conte, s’apparentant ensuite, tantôt à un roman d’aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L’Art Brut et le Marchand relate ce périple singulier.

Histoire de l’art

En 1874, un groupe de peintres dissidents expose ses œuvres en marge des circuits officiels. Un critique invente par dérision le mot « impressionnisme ». Cet événement est considéré, à juste titre, comme l’une des étapes initiatrices de l’art moderne. Avec ces expositions, l’écosystème de l’art contemporain se met alors en place : recherche du scandale, intervention monopolistique d’un marchand, union opportuniste des plasticiens et des écrivains d’avant-garde.
Cet ouvrage s’appuie sur une documentation de première importance et met en avant propos et témoignages de « premières mains » qui révèlent pour la première fois la stratégie des artistes. Les échos avec notre époque contemporaine sont multiples et pour le moins surprenants…

Photographie

Stéphane Spach glane et collecte : encriers brisés exhumés des tranchés de la première guerre, ossements dispersés et crânes d’animaux sous plastique issus de collections zoologiques, fleurs et feuilles fanées qui semblent des reliques d’un jardin perdu... Toutes ces choses sont offertes au regard des lecteurs de cette vaste monographie, en même temps que rendues à leur silence troublant.

Conversation tardive, toujours tardive, toujours repoussée vers la fin d’un temps qui n’arrive pas. Ce livre témoigne de ce temps qui ne finit pas, et dont seule la photographie est capable d’en saisir les prémisses : « La photographie, est-il écrit en fin d’ouvrage, s’effaçait devant l’opacité du temps, devant l’énigme. Ce qui me troublait, c’était autant la disparition que l’apparition. Je croyais que c’était l’énigme de la photographie, c’était l’énigme de la vie . »

Une femme surgit. Et revient, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, en une suite de dix-sept séquences. 17 secondes, le roman-photo de Marc Blanchet, lie chaque portrait de cette femme à une prose, en une suite numérotée qui interroge le mystère de l’autre autant que l’acte et l’image photographiques. Y a-t-il réellement fiction ? Ne sommes-nous pas plutôt dans un monde d’hypothèses, né de l’envie d’écrire sur l’être aimé, d’en raconter la présence dans le temps — et penser ainsi la photographie à travers une écriture poétique ? 17 secondes se déploie comme un éventail, à même de se refermer pour enclore ses secrets.

And Also The Trees (« et aussi les arbres ») propose une approche photo-textuelle du paysage dans laquelle l’arbre est autant modèle que sentinelle, dans sa propre solitude ou dans une solitude rassemblée : la forêt. Souvent prises dans la vitesse, au crépuscule ou de nuit, ces photographies inscrivent des diffractions où la notion de composition s’avère essentielle. Écritures photographique et littéraire se côtoient ou se disjoignent pour penser le paysage, dans ses mystères, ses ruptures, son opacité — parfois son silence. En miroir d’un essai sur l’acte photographique et la perception de son propre corps lors des prises de vue, l’écrivain-photographe Marc Blanchet, par l’horizontalité du paysage ou la verticalité d’un arbre, nous met face à un univers qui surgit entre soudaineté et disparité, présence et profusion.

| 1 | 2 | 3 |

Littératures

CE QU’IL AURAIT FALLU évoque des personnes ou des événements politiques, sociaux, culturels, sportifs connus qui sont, parmi d’autres, des symptômes exemplaires de ce qui ne va pas dans notre monde actuel. Le texte, par sa forme litanique, explore un champ mitoyen du « Je me souviens » de Perec. Collecter quelques bassesses de ceux qui nous gouvernent ; mais aussi nos indifférences ou nos tolérances coupables dans le champ du quotidien.

Un jour ou l’autre, nous éprouvons ce que des millions de personnes ont éprouvé avant nous. Nous nous effaçons dans
un silence sans âge. Le même, peut-être, qui envahit le peintre vénitien Tiziano devant sa Vénus D’urbino ; le réalisateur italien Ettore Scola, au crépuscule de sa vie ; Liliane, l’héroïne d’un film de Jacques Rozier, au milieu d’une danse d’été.
Ou bien nous demeurons aussi glacés que quiconque devant l’image de l’horreur nazi.
Ce livre, se veut d’abord un inventaire des silences qui nous saisissent un jour ou l’autre, en tant que disciple, père, mère, enfant, amant, humain.
Ensuite, il sera question de musique. D’une seule musique.

Cela vient des rêves, mais plutôt de ces moments où on rêve dans la ville.
Une silhouette, une architecture, un fou.
Ou notre propre malaise, ou l’incompréhension de ce qui se passe, où on va et pourquoi.
Collectionner ces moments. Aller au bout de ce qu’ils désignent.
Des fictions naissent, notes sur les hommes à repousse, notes sur les hommes instables, notes sur les hommes avec trop d’immobilité, notes sur les hommes porte etc, 48 fois.
La surprise aussi de l’intervention d’un prestidigitateur : c’était le premier texte, en fait, notes sur ce fameux prestidigitateur, sans savoir qu’il reviendra 5 fois pour nouer les récits.

Parfois, on se dit qu’on est au fond du trou.
Et si c’était vrai ?
Si on se trouvait soudain au fond d’un trou opaque et noir, dans une absolue solitude ? Un trou bien réel mais tout à fait inexistant, un trou comme une grotte originelle, une matrice sans forme, une oubliette ? Comment alors s’orienter, respirer, désirer, comment penser, comment se retrouver ? Et comment, avec pour seuls outils cervelle et corps, comment faire pour en sortir ?

| 1 | ... | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 |

Hors collection

« Que lisez-vous ? »
Alexandre Hollan
Jérémy Liron
Clémentine Margheriti
Gérard Titus-Carmel

« Pourquoi écrivez-vous sur l’art ? »
François Dilasser
Alexandre Hollan
Ann Loubert
Monique Tello

| 1 | 2 |

COLLECTIONS