Recueil complet des écrits sur l’art (1971-2015) du peintre GTC. Plus de trente années de réflexions sur l’art sont ainsi assemblées, depuis ses premières « notes d’atelier » jusqu’à ses écrits récents consacrés à des peintres proches (JP Pincemin, E. Leroy…). Ses ouvrages sur la gravure, sur Chardin, sur Munch sont aussi repris, ainsi que les entretiens qu’il donna tant à la presse spécialisée qu’à des magazines d’art. Préface de Roland Recht.
Cet ouvrage réunit pour la première fois 23 entretiens réalisés au long de quatre décennies avec l’artiste monténégrin Miodrag Djuric, dit DADO (1933-2010), établi en France à partir de 1956, très tôt repéré par Jean Dubuffet et Daniel Cordier, son premier marchand. Artiste complet s’il en est, Dado livre ici une parole véritablement plastique, s’emparant de la langue avec une puissance créatrice hors du commun, comme il s’emparait de chaque médium : dessin, peinture, gravure, collages, décors d’opéra, sculpture, installations in situ, œuvres numériques. Accompagnant cette parole d’un appareil scientifique conséquent, l’ouvrage dresse le portrait d’un homme singulier, qui se présentait volontiers comme un « exilé volontaire » et livre les clés de compréhension indispensables pour appréhender son œuvre – une œuvre souvent mal comprise, consacrée au vivant, « creuset d’une palpitation passionnelle jamais lassée » (Anne Tronche).
Au sommaire, de brefs textes d’hommages à Renoir, Odilon Redon, Signac, des réponses à des enquêtes comme en faisaient les revues d’art de l’entre-deux-guerres (sur « la peinture française d’aujourd’hui » ou « les problèmes de la peinture ») ou encore des propos rapportés par des journalistes et visiteurs de ses ateliers à Deauville ou au Cannet.
Enfin, est réédité pour la première fois un ouvrage composé par Bonnard, durant la guerre, de textes et de dessins : « Correspondances ». Un recueil de souvenirs déterminants. Bonnard l’a conçu sous la forme originale de lettres manuscrites et illustrées
Ces entretiens avec le peintre Sam Francis (1923-1994) sont issus de longues conversations tenues en 1985 et 1988, avec Yves Michaud, philosophe et critique d’art.
Tantra song fut conçu par Franck André Jamme comme une initiation aux fascinantes séries de peintures tantriques, après avoir passé plus de vingt ans en conversation avec les communautés de tantrikas du Rajasthan. Dans le sillage d’autres poètes-ethnographes comme Michel Leiris ou Georges Bataille, il portait une attention passionnée à des formes de savoir hétérodoxes, non fondées sur la seule raison. Pour lui, comme le rappelle Renaud Ego, « tout vient par le ravissement. » (Avec des contributions de Bill Berkson, Renaud Ego, André Padoux.)
« Voir » est un acte hasardeux et toujours incomplet. Tout à la fois aiguisé et entravé par le savoir, l’instabilité de la perception, les sollicitations de l’imaginaire, l’appel des autres sens et les technologies de l’image. Nous ne l’éprouvons jamais mieux que dans notre rapport aux images de l’art, celles qui se sont éloignées de nous et nous apparaissent à distance avec la force de leur étrangeté - mais aussi celles qui s’annoncent, lançant des signes vers un avenir indéchiffrable. Lorsque quelque chose apparaît, la vision en est comme aveuglée. Plutôt qu’une chose, c’est cette déchirure qu’on voit, qu’on sent. C’est aussi elle qu’il faut chaque fois essayer de décrire dans sa singularité.
Nicolas Poussin, pour rappeler que son métier n’était pas d’écrire mais de peindre, se désignait ainsi : « moi qui fais profession de choses muettes ». Prolongeant l’esprit de cette formule énigmatique et fascinante, Conversations avec les choses muettes entend mettre en oeuvre et interroger la façon dont la parole écrite peut tenter d’entrer, malgré tout, en dialogue avec les œuvres d’art. Car si elles ne répondent pas lorsqu’on s’adresse à elles, elles ne condamnent peut-être pas pour autant à un silence sans issue.
Résultat de plusieurs années d’écriture et de rencontres avec des artistes, montage d’émotions et de réflexions mouvementées, le livre propose un chemin dans l’art contemporain, sous le signe d’intensités comprises comme de puissantes sensations de pensée, dépliées en trois temps : « Rages », « Silences », « Placer / déplacer ». Les « petites machines de langue » qu’elles regroupent sont autant de traversées attentives des œuvres de Lydie Arickx, Bae Bien-U, Guillaume Bruère, Philippe Cognée, Alexandre Hollan, Koichi Kurita, Tatiana Pozzo di Borgo, Paul Rebeyrolle, Georges Rousse, Susumu Shingu, François Weil et Jérôme Zonder.
Le dialogue entre Olivier Cena, journaliste, et Gérard Traquandi, peintre, s’ouvre à Venise, au cœur des merveilles de l’architecture italienne et à quelques pas du fourmillement de la Biennale d’art contemporain. Un semblable contexte, riche en significations esthétiques, sociales et politiques, est le point de départ d’une discussion libre qui aborde tour à tour les questions de la mondialisation et de la démocratisation de l’art contemporain, aussi bien que celle, déterminé par la problématique écologique, du rapport de la peinture à la nature, aux êtres et aux choses qui peuplent la terre.
« Il n’y a pas de commencement. Ce que l’on nomme l’œuvre n’a ni commencement ni fin, voilà ce que dit d’abord le peintre. » Ainsi commence sans commencer le dialogue en spirales entre l’écrivain Marc Le Bot et le peintre Leonardo Cremonini, Les parenthèses du regard que les deux auteurs avaient dédié à Gaëtan Picon. Repris en fac-similé, il est accompagné d’autres essais par lesquels Marc Le Bot tente d’approcher « l’irréductible énigme » de la peinture figurative et métaphysique de Leonardo Cremonini.
Dans la monographie qu’il a consacrée en 2016 à Frédéric Benrath, Pierre Wat notait très justement que la peinture est vécue chez ce dernier « comme un art épistolaire et amical ». Mais ce caractère « adressé » de l’aventure picturale de Benrath fut également prolongé – ou redoublé – par l’intense correspondance écrite dont il ne cessa de l’accompagner tout au long de sa vie. « Cette correspondance qui s’établit entre nous, écrit Benrath le 20 juillet 1975, ces lettres établissent vraiment une “correspondance” entre nos pensées affectives et nos idées sur les choses et les gens, sur l’art et la littérature. Cela est très important, tu le sais puisque tu réponds si bien ». Mais, comme le dira Michèle (ou Alice) dans une lettre du 29 décembre 1980, à un moment où elle prend un peu plus d’indépendance, « T’écrire, c’est aussi écrire » : le destinataire tend à disparaître et à être absorbé dans l’acte d’écriture auquel il a pourtant servi de point de départ.
Cet ouvrage réunit la correspondance du marchand d’art Pierre Matisse et du peintre Joan Miró, entre 1933 et 1983. Reflets d’une relation aussi bien professionnelle qu’amicale entre les deux hommes, les lettres échangées donnent une vision particulière du monde de l’art. Les déclarations d’amitié y côtoient les tensions entre marchands, les réflexions de l’artiste se mêlent aux évocations plus intimes. De la description des œuvres réalisées par Miró, jusqu’à la mise en place des expositions, les échanges retracent les différentes étapes d’une production artistique foisonnante qu’il faut défendre au mieux. Car pour permettre à Miró d’émerger aux États-Unis, Pierre Matisse le dit bien, il faut « ouvrir le feu ».
Dans son hommage à la peinture figurative et animalière de Gilles Aillaud, Nicolas Pesquès entremêle avec finesse notations poétiques, fragments de théorie sur l’art, descriptions de tableaux, bribes de souvenirs en compagnie du peintre. Le côtoiement des formes et des couleurs de Gilles Aillaud, l’encourageant à écrire, semble lui révéler qu’écrire et peindre sont deux formes d’un semblable besoin d’expression, qui, sans se confondre, convergent vers la même question impossible. « La seule question qui vaille est celle à laquelle on ne peut pas répondre. Les bêtes nous indiquent la possibilité de ne pas la poser. L’expression est ce que nous avons trouvé de mieux pour ne pas la résoudre sans l’étouffer. Par la peinture, par le poème, nous la restituons dans son malheur. » (Dans le mauve à l’aplomb des corbeaux)
Tout a commencé avec une étrange petite boîte noire reçue par Fred Deux en cadeau, un magnétophone. C’est ce qu’il confie dans la première cassette des enregistrements du récit de son existence, inextricablement liée à celle de Cécile Reims, enregistrements de plus de deux cents heures réalisés au long de trois décennies : « Me voilà en 62, 63, 64. J’ai un magnétophone sur une table et je laisse sortir de moi une mèche enflammée qui s’enroule sur des bobines. » Muriel Denis, dans Être Deux, recueille et ravive cette mèche enflammée, en racontant l’histoire de ce couple d’artiste qui inventa, dit-elle avec justesse, une manière « d’être seul à deux ».
Préface de Pierre Wat
"C’est tellement étrange la peinture, entre le dialogue qui s’annonce et la conclusion d’une œuvre : plus on la pratique, mieux on la comprend, c’est vraiment un art de vieux. J’ai mis des années à me dégager d’une forme d’immaturité, et j’ai l’impression que ce n’est que maintenant que j’entrevois ce qu’est la peinture."
Catalogue de l’exposition au musée Picasso d’Antibes. Avec des contributions de Jean-Louis Andral et Patrick Mauriès.
Ce volume collectif est issu du premier colloque français consacré à Käthe Kollwitz, alors que l’historiographie se développe surtout en Allemagne et aux États-Unis. Le principal enjeu en est de sortir du domaine des spécialistes de l’estampe et de faire d’une lacune, le peu de développement de la recherche sur Kollwitz en France, un potentiel heuristique. Le parti-pris était en effet d’ouvrir le propos du colloque hors du champ de l’estampe allemande, de proposer une lecture croisée de l’œuvre de Kollwitz, en invitant non seulement des chercheuses et chercheurs en histoire de l’estampe et en histoire de l’art, mais aussi en histoire de la photographie, en histoire culturelle ou en études germaniques. Chacun considérant Kollwitz sous l’angle de ses connaissances mais aussi des objets et méthodes propres à sa discipline, leur confrontation permet ainsi de renouveler la recherche sur l’artiste.
« Se pourrait-il qu’un événement soit ce moment si singulier qu’il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d’autres moments […] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? »
C’est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d’une Vierge de l’Annonciation, à la fin du XVe siècle.
Récit d’une fascination et exploration d’une obsession, le texte de Yannick Haenel nous plonge dans la sollicitation invincible des nus peints par Pierre Bonnard. S’immergeant quotidiennement dans leurs couleurs, contemplant et comparant d’un œil altéré la vibration salutaire de leurs tons, l’auteur « perfectionn[e] [sa] soif ». De cette rencontre se libère l’écriture parmi la multiplication entêtante des corps qui étincellent.
À qui pense qu’on n’a plus grand-chose à voir ni à apprendre des peintures de Claude Monet, trop vues, trop interprétées, le court récit de Stéphane Lambert démontre le contraire. Il se donne à lire comme une tentative de regarder l’œuvre du peintre de Giverny depuis notre présent tragique : celui d’une « ère nucléarisée », d’un « champ de ruines à l’approche d’un possible anéantissement », d’un « après-paysage ». Dès lors, peut-être pourrons-nous entrevoir « dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur ».
« Peintre du lointain intérieur s’il en est », Édouard Manet incarne aux yeux de Gérard Titus-Carmel une déchirure étrangement féconde du rapport moderne au monde. Retiré dans la nuit de son être, dans ce que Georges Bataille nommait « une indifférence suprême », le peintre lave le monde qu’il représente de toute interprétation pathétique. Mais c’est pour le rendre à son étrangeté fascinante, pour ouvrir « sur un état du monde bien plus énigmatique qu’il n’y paraît ».
Alors que s’amorçait une carrière socialement prometteuse et une œuvre plutôt conventionnelle, Louis Soutter (1871-1942) a été victime — ou bénéficiaire ? — d’une brisure existentielle qui l’a dépossédé de tout, femme, carrière, fortune, et condamné à passer l’essentiel de sa vie à l’asile. Mais cette désaffection sociale se traduira par une extraordinaire libération artistique, qui l’amènera à produire dans une quasi-clandestinité une œuvre qui le range parmi les artistes majeurs du XXe siècle — et qui conduit à l’hypothèse d’une folie non pathologique.
L’œuvre de Hans Holbein (1497-1543), énigmatique, en puissance, prophétique, aimantée par le futur, aura attendu notre postmodernité pour libérer son énergie symbolique. Cet essai provocateur renverse la perspective historique et postule que Holbein a été influencé par Andy Warhol.
L’attitude de Dubuffet à l’orée de sa « carrière » : une humeur antiautoritaire et anarchiste, un certain populisme, l’impulsion à violenter la langue, la méfiance ambiguë à l’égard des intellectuels, l’allergie au parisianisme, l’investissement de la culture tenue pour une forteresse vide, et enfin le choix de la peinture conçue comme l’arme idéologiquement la plus subversive.
Interlocuteur privilégié du peintre, Sylvester est un critique exigeant que le génie fascine. Il n’a qu’une passion : reconnaître et faire résonner la grandeur en art. Il met au service de cette passion tout ce dont il dispose : une grande familiarité avec l’artiste, un regard sans complaisance, une écriture précise et insistante. Voilà un portrait tout en facettes et étonnamment vivant d’un artiste singulier et de son œuvre. (Traduction de Jean Frémon)
Dans la dernière édition de L’origine des espèces (1856) Charles Darwin s’interroge sur la nature du sentiment de la beauté. Le temps a passé et la réponse à la question que se posait Darwin semble de plus en plus échapper à la philosophie et à l’esthétique pour devenir l’affaire de l’anthropologie, des naturalistes et de la sociologie. En matière d’art, la fin des prétentions de l’universalisme européen et celles aussi de « l’exception humaine » (J-M. Schaeffer) renouvellent les questions concernant l’origine de nos conduites esthétiques : quand et comment sont-elles apparues ; quels en sont les moteurs ; sont-elles exclusivement humaines… ? Si les pratiques contemporaines depuis une quarantaine d’années ne rejettent plus l’idée de beauté plastique, elles y sont parfois (souvent) indifférentes comme si cette notion qui a longtemps dominé l’art était marginale. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Beautés ouvre donc l’enquête en interrogeant artistes et penseurs dans le but de documenter les enjeux.
Depuis deux siècles l’histoire de l’art occupe le passé, elle ordonne les musées, l’enseignement, les discours esthétiques et critiques, établit les hiérarchies, restaure les vérités, les réputations et finit par cautionner les valeurs du marché. Face à l’histoire l’artiste et l’amateur d’art, manquant d’autorité et de statut, sont souvent démunis.
Qu’en est-il aujourd’hui de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs ? Une telle hiérarchisation des pratiques artistiques entre high and low a-t-elle encore un sens ou bien doit-on désormais considérer que le temps d’une création libre, sans bornes ni entraves est venu, que l’art est un tout au sein duquel chacun est libre d’aller et de venir comme bon lui semble ?
Derrière cette question qui agite l’art contemporain depuis quelques décades se cachent de nombreux enjeux économiques, sociaux et bien sûr esthétiques qui apparaissent à la fin du XIXe siècle et se développent tout au long du XXe. L’étude de ces enjeux montre que l’esprit libertaire qui prétend faire tomber les barrières est autant porteur d’émancipation que d’une idéologie libérale.
L’usage actuel du terme de chef-d’œuvre semble paradoxal. On le voit dénié par la réalité de l’art, qui procède d’un travail produisant des pièces par séries ; décrié par l’époque, qui le rejette comme une notion anachronique, sinon antidémocratique ; dévoyé par le marché, où il s’emploie pour désigner celui des travaux d’un artiste qui se vend le plus cher – et néanmoins, il subsiste à l’état de boussole, de nec plus ultra, d’expérience esthétique suprême : jamais les toiles de maîtres n’auront vu défiler autant de spectateurs.
À partir de ce constat, Éric Suchère et Camille Saint-Jacques proposent chacun un essai, sous un titre – Le Chef-d’œuvre inutile – qui se veut moins provocant que problématique. Car s’il s’agit bien ici d’interroger ce qu’on pourrait nommer un déclin du chef-d’œuvre, on ne trouvera en ces pages nulle déploration de principe. Non pas céder, donc, à une dépréciation massive des tendances contemporaines, mais forger les critères qui permettront de les comprendre et d’en apprécier l’opportunité.
Ce livre évoque le roman picaresque, il n’y a pas d’autre mot, de La Délirante et de ma vie, c’est tout un, et de l’amitié créatrice qui m’a lié à tant de poètes et de peintres, à Sam Szafran surtout, le temps de cette aventure.
L’escalier de la rue de Seine que je l’avais engagé à dessiner et peindre, avant qu’il s’y mît pour n’en plus sortir, comme du songe d’une ammonite, marqua l’acmé de notre amitié et de son œuvre. J’ai tenté jusqu’au bout de l’arracher à la tentation de l’escalier, mais elle était si forte qu’il resta captif de ses déclinaisons jusqu’à sa mort. [F.E.-E.]
Au milieu des années 1990, Jean-Pierre Ritsch-Fisch a abandonné l’entreprise familiale de fourrure, pour fonder à Strasbourg une galerie consacrée à ce que Jean Dubuffet appela l’Art Brut. Un retour à ses amours d’adolescence : le monde de l’art et ses sensations fortes, s’impose à lui. Débutant à la manière d’un conte, s’apparentant ensuite, tantôt à un roman d’aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L’Art Brut et le Marchand relate ce périple singulier.
En 1874, un groupe de peintres dissidents expose ses œuvres en marge des circuits officiels. Un critique invente par dérision le mot « impressionnisme ». Cet événement est considéré, à juste titre, comme l’une des étapes initiatrices de l’art moderne. Avec ces expositions, l’écosystème de l’art contemporain se met alors en place : recherche du scandale, intervention monopolistique d’un marchand, union opportuniste des plasticiens et des écrivains d’avant-garde.
Cet ouvrage s’appuie sur une documentation de première importance et met en avant propos et témoignages de « premières mains » qui révèlent pour la première fois la stratégie des artistes. Les échos avec notre époque contemporaine sont multiples et pour le moins surprenants…
"Voici un lieu où tout était vivant, jusqu’au désastre et à la mort même. Malgré un dénuement extrême, il semblait enchanteur. Il enchanta en effet ceux qui le vécurent, un couple d’artistes minutieux et visionnaire, Dado et Hessie, leurs enfants, leurs amis, la volaille, les chats et tous ces animaux que l’on dit sauvages autour de l’étang. Par le regard du fils, nous voici au cœur vécu d’une œuvre intime, bouleversante et belle, juste et inquiétante." (Germain Viatte) Dado, le temps d’Hérouval suit les traces de l’artiste dans sa vie quotidienne, retiré dans un hameau de l’Oise.
Parcelle 475/593 saisit le sentiment de fascination qu’on peut éprouver dans les lieux que nous habitons autant qu’ils nous habitent, lorsqu’on est soudain illuminé par la persistance de leur étrangeté fondamentale. Le livre porte le nom d’une parcelle, d’un jardin que le photographe Stéphane Spach explore depuis l’enfance, traquant l’inconnu des lumières changeantes et des existences non-humaines. Un texte de Jérôme Thélôt – Orphée photographe – accompagne les photographies.
Stéphane Spach glane et collecte : encriers brisés exhumés des tranchés de la première guerre, ossements dispersés et crânes d’animaux sous plastique issus de collections zoologiques, fleurs et feuilles fanées qui semblent des reliques d’un jardin perdu... Toutes ces choses sont offertes au regard des lecteurs de cette vaste monographie, en même temps que rendues à leur silence troublant.
Conversation tardive, toujours tardive, toujours repoussée vers la fin d’un temps qui n’arrive pas. Ce livre témoigne de ce temps qui ne finit pas, et dont seule la photographie est capable d’en saisir les prémisses : « La photographie, est-il écrit en fin d’ouvrage, s’effaçait devant l’opacité du temps, devant l’énigme. Ce qui me troublait, c’était autant la disparition que l’apparition. Je croyais que c’était l’énigme de la photographie, c’était l’énigme de la vie . »
Vallées, forêts et monts vosgiens à la lisière de la Lorraine et l’Alsace : Karine Miermont traverse ces lieux depuis une trentaine d’années, travaille à leur protection. Les sensations vécues dans ces espaces, les expériences et surtout le désir, la poussent à raconter les vies de ceux qui y habitent : arbres, herbes, lichens, pierres, eau, animaux, hommes et femmes : « Toutes ces présences qui ouvrent des récits, des histoires ». Par l’observation, l’analyse, de telle source, tel arbre, tel cerf, pourtant familiers, l’auteure s’ouvre à l’étonnement et à la contemplation. Si l’élément naturel sature chaque page de ce récit, ce n’est pas tant pour le décrire, faire état de recherches très précises que pour en relater l’expérience sensible, existentielle, et ainsi la mettre à portée du lecteur.
Obstaculaire. Il fallait bien ce néologisme difficile pour qualifier l’élan violent et contrarié qui enfante ici comme ailleurs la poésie de Cédric Demangeot. Nom, comme « ossuaire », ou adjectif, comme « oraculaire », il nomme avec une sécheresse exacte ce singulier appareillage de la parole dont le moteur est l’empêchement, le mouvement la butée, et qui ne fonctionne qu’en se brisant pour laisser voir sa mécanique détruite.
Drame, comédie, conte, épopée du langage ou satire de l’humanité à travers son langage, Forêt des mots est inclassable mais il n’est certes pas dénué d’échos avec les faits les plus contemporains, les plus universels, dès lors qu’ils impliquent les us et abus de la langue. Comme les voix qui le peuplent, le livre porte catégories, lieux communs et bavardages, belles promesses et nobles mots à la lumière, avant qu’ils s’y dissolvent et retombent dans le magma de la parole.
« Aumaille » viendrait du latin animalia, qui désigne les grands animaux, ceux de la ferme, et renvoie en écho à l’anima, à l’âme. Laumailler c’est en même temps le nom de jeune fille de la grand-mère paysanne, longuement évoquée en ces pages, qui avait charge de l’entretien du cimetière du village. Ne serait-ce donc pas aussi un dérivé de « lamer » : « couvrir d’une pierre tombale » ?
Plein de ces recoupements de la mémoire intime, celle des jours passés à la ferme de ses grands-parents, et de la mémoire collective, transmise dans le parler, les gestes et les choses, le récit de Kristell Loquet ne cherche pas, quant à lui, à sceller le tombeau des défunts proches et à adresser un adieu à un mode de vie en déshérence. S’il les scrute si intensément, ce n’est pas déploration du passé, mais volonté de réincarner cette âme vivace et de la perpétuer à l’avenir.
Tendu entre jadis et demain, l’enfance et l’enfantement, ce récit sans capitales ni points finaux, émaillé des dessins de Daniel Dezeuze, est de fond en comble un récit de transmission.
La peinture figurative et évanescente de Jérémy Liron se déploie en grande partie par séries, aux noms empreints d’une sourde mélancolie, comme ses Tentatives d’épuisement, ses Images inquiètes, ou ses Absences. Les Archives du désastre, qui comptent aujourd’hui près de 400 pièces de modeste format et auxquelles sont consacrées ce volume, sont l’une d’entre elles. Elles recueillent un ensemble de figures spectrales, dessinées à la craie noire, puis voilées d’une couche de peinture vert de Hoocker. Elles sont les reliques d’un désastre, d’un changement d’astre, qui eut lieu avec la vague d’attentats terroristes durant la dernière décennie. Préface de Lionel Bourg ; entretien avec Anne Favier.
Reproduction en fac-similé d’une série de vingt aquarelles — des couchers de soleil — de l’artiste Ann Loubert, accompagnées de deux poèmes de Jacques Moulin.
(Ouvrage au tirage limité, uniquement vendu auprès de nos éditions.)
Au Pont du Diable est le résultat d’un moment de pause. Pause d’un artiste, venu au bord de l’eau aux heures les plus chaudes de la journée, pour voir les gens s’y prélasser. Alexandre Hollan ne reste pourtant pas inactif. Fusain à la main, il réalise des croquis de ces êtres rassemblés là. Un seul trait, modulé en quelques courbes, suggère les corps, les visages, sans fond ni perspective. Les modèles ne posent pas, ils se laissent saisir par l’œil de l’artiste comme ils sont, sans chercher à paraître. Et de la même façon, pas de pose artistique dans les croquis. Il s’agit simplement de saisir la vie telle qu’elle se donne à voir.
Catalogue de l’exposition des œuvres d’Ann Loubert & Clémentine Margheriti à la Halle Saint-Pierre, à Paris, du 14 octobre au 2 novembre 2014.